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Retiens ta langue

jeudi 2 octobre 2008

Ce texte est le sermon du vendredi prononcé par le Sheikh Muhammad Sa`îd Ramadân Al-Bûtî le 23 juin 2000 en Syrie. Nous avons omis les invocations finales achevant le sermon.

Louanges à Dieu moult fois renouvelées. Louanges à Dieu à la hauteur de Ses bienfaits et de Son supplément de Faveur. Seigneur, louanges à Toi comme il se doit pour Ta Face honorée et la Magnificence de Ton Pouvoir. Gloire à Toi Seigneur ; je ne suis point capable de Te louer comme il convient ; Tu es Tel que Tu T’es loué Toi-Même. J’atteste qu’il n’y a de divinité hormis Allâh, l’Unique sans associé. Et j’atteste que notre maître et Prophète Muhammad est le Serviteur, le Messager, l’Élu et l’Ami intime de Dieu, le meilleur Prophète envoyé par Dieu. Dieu l’a envoyé au monde entier en guise d’annonciateur de la bonne nouvelle et en guise d’avertisseur. Seigneur, accorde Ta prière, Ta paix et Tes bénédictions, à notre maître Muhammad, ainsi qu’à sa famille, une prière et une paix permanentes et indissociables jusqu’au Jour Dernier. En outre, je vous recommande — ô musulmans — ainsi qu’à mon âme pécheresse la crainte révérencielle d’Allâh — Exalté soit-Il.

Ô Serviteurs de Dieu,

Il y a deux versets dans le Livre de Dieu — Exalté soit-Il —, à la fin de la sourate intitulée Al-Hujurât, si le Musulman les méditait et les mettait en application, cela lui suffirait, et il s’en retournerait auprès de Dieu — Exalté soit-Il — qui serait satisfait de lui, aussi petites soient ses œuvres et aussi réduite soit sa dévotion. Il s’agit de la parole de Dieu — Exalté soit-Il — : « Ô vous qui avez cru ! Que des hommes ne se raillent pas d’autres hommes : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain qualificatif que la "perversion" lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas... Ceux-là sont les injustes. § Ô vous qui avez cru ! Évitez de trop conjecturer (sur autrui) car certaines conjectures sont péché. Et n’espionnez pas ; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) vous en aurez horreur. Et craignez Allâh. Car Allâh est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux. » [1] Le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — résume la substance de ces versets en une parole concise rapportée par At-Tirmidhî, Abû Dâwûd, Ibn Abî Ad-Dunyâ et Al-Bayhaqî d’après `Uqbah Ibn `Âmir : (Celui-ci) demanda au Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — : « Comment atteindre le salut ? » Il lui répondit : « Retiens ta langue, reste chez toi et pleure sur ton péché. » [2]

Notez, chers frères, comment ces deux versets sont délaissés par de nombreux Musulmans de nos jours. Voyez comment cet enseignement éloquent prodigué par le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — est désormais étranger à l’ouïe de nombreux Musulmans. Méditez cette parole que le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — nous adresse et réfléchissez à ce qu’il affirme. Regardez ensuite la condition de très nombreux Musulmans de nos jours. Certains d’entre eux imaginent que Dieu — Exalté soit-Il — a fait d’eux les gardiens et les observateurs de la condition d’autrui, sans responsabilité aucune vis-à-vis d’eux-mêmes. Les voici passant au microscope la condition des Musulmans autour d’eux. Non contents de scruter les apparences, ils iront sonder les cœurs. Puis ils dresseront un bilan avec force affirmation ; ils médiront et bavasseront à propos de la condition de ces gens-ci et de ces gens-là. En revanche, sur leur propre condition, point de commentaire car ils ne sont responsables de rien. Car Dieu les a investis de la surveillance d’autrui. Quant à se surveiller eux-mêmes, quant à surveiller leurs propres consciences, quant à observer leurs propres comportements avec Dieu, leurs propres manquements vis-à-vis de Dieu — Exalté soit-Il —, cela ne leur traverse pas l’esprit. N’est-ce pas là la réalité d’un grand nombre de Musulmans aujourd’hui ?

Je considère cette réalité en expansion à l’aune de ces deux versets inquiétants du Livre de Dieu — Exalté soit-Il — : « Ô vous qui avez cru ! Que des hommes ne se raillent pas d’autres hommes : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. » Que signifie « peut-être » ? Cela signifie que vous ne connaissez pas leur condition, que vous ne connaissez pas leurs secrets. Vous connaissez certaines de leurs affaires apparentes et vous en ignorez certaines. Mais vous ignorez tout de leurs consciences. Ne vous mêlez donc pas de ce qui ne vous regarde pas. N’allez pas porter une responsabilité dont Je ne vous ai point chargés.

« Ô vous qui avez cru ! Que des hommes ne se raillent pas d’autres hommes : ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain qualificatif que la "perversion" lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas... Ceux-là sont les injustes. » Quelle est la position des Musulmans vis-à-vis de ces enseignements étonnants et éloquents que recèle le Livre de Dieu. Méditez ensuite Sa parole : « Ô vous qui avez cru ! Évitez de trop conjecturer (sur autrui) car certaines conjectures sont péché. » Je me suis souvent interrogé sur le contraste entre les expressions : « trop conjecturer » et « certaines conjectures ». Il nous défend de trop conjecturer et explique cela du fait que certaines conjectures constituent un péché. Pourquoi Seigneur ne nous as-Tu pas défendu certaines conjectures seulement, vu qu’il n’y a de péché que dans une partie des conjectures et pas toutes ?

Tout simplement, parce que vous ne savez pas déterminer cette partie. Vous ne savez pas le faire et on vous demande de prendre des précautions. Si une partie de ce que vous pensez des serviteurs de Dieu — Exalté soit-Il — est erronée et mal, il faudrait que vous vous donniez le plus grand périmètre de sécurité possible pour ne pas tomber dans les mauvaises présomptions vis-à-vis de gens qui ne méritent pas cela. Dieu — Exalté soit-Il — vous défend de présumer le mal en général car parfois vous vous trompez dans vos présomptions. Notez ce détail subtil du verbe divin, et méditez la réalité des Musulmans de nos jours.

« Et n’espionnez pas ; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? » Je n’ai point vu de meilleur amuse-gueule pour les Musulmans — oui je parle bien des Musulmans — ; je dirais même plus : je n’ai point vu de meilleur amuse-gueule pour des islamistes qui s’activent pour l’islam que la médisance. Ils se réunissent autour d’elle comme si le discours coranique ne leur était pas adressé, comme s’ils étaient mieux que les autres gens et que Dieu ne leur aurait pas demandé de faire leur propre examen de conscience et de se purifier de quelque manière que ce soit. C’est comme s’ils avaient disposé dans leurs oreilles un bouchon les empêchant d’entendre la parole de Dieu — Exalté soit-Il — : « et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (Non !) vous en aurez horreur. Et craignez Allâh. Car Allâh est Grand Accueillant au repentir, Très Miséricordieux. »

Chers frères, les Musulmans souffrent de nombreux maux qui entraînent de nombreuses conséquences. Mais, par Dieu, je n’ai trouvé parmi ces maux plus dangereux que le mal dont je vous entretiens. De nombreux Musulmans se sont détournés de l’observation de leurs propres personnes et de la surveillance secrète de leur propre condition et de leur relation avec Dieu — Exalté soit-Il — pour scruter la condition d’autrui. Ô vous qui agissez de la sorte, n’avez-vous point lu la parole de Dieu — Exalté soit-Il — : « Ô vous qui avez cru ! Vous êtes responsables de vous-mêmes ! Celui qui s’égare ne vous nuira point si vous vous avez pris la bonne voie. » [3] Vous oubliez votre propre personne alors que Dieu vous a demandé de la surveiller. Vous scrutez la condition d’autrui, non pour ordonner le bien s’il venait à vous manquer, ni défendre le mal s’il venait à se produire devant vous. Non, vous le faîtes pour coller aux gens les étiquettes que vous voulez, pour fermer les yeux et laisser libre cours à votre imagination pour sonder leurs conscience, les qualifiant tour à tour de mécréants, d’hypocrites, d’égarés et j’en passe. Mais, vous, quel est votre rang parmi tous ces gens que vous classez dans des catégories ? Non, ce genre de personnes ne porte aucun regard introspectif.

Il s’agit là du mal le plus redoutable dont les Musulmans ont à souffrir de nos jours. J’ai médité la façon dont le Seigneur des Mondes traitait Ses serviteurs. Il s’agit de l’une des traditions les plus grandes dans les relations entre Dieu — Exalté soit-Il — et Ses serviteurs. J’ai trouvé des choses stupéfiantes et ô combien émouvantes. Quoi donc ? Comment Dieu traite-Il Ses serviteurs musulmans ? Lorsque Dieu — Exalté soit-Il — voit une œuvre pie, Il la répand, la fait croître et la cultive, et amplifie sa mention tant et si bien que l’attention des gens est détournée de l’homme en faveur de cette œuvre pie. Mais lorsque cet homme est éprouvé par une mauvaise œuvre qui l’écarte du droit chemin, Dieu garde cela secret entre lui et Son serviteur. Car Dieu — Exalté soit-Il — aime la couverture des défauts. Chers frères, telle est la coutume du Seigneur des Mondes vis-à-vis de Ses serviteurs. J’ai eu l’occasion d’observer cette coutume divine à mon égard. Que chacun d’entre vous en fasse le constat en ce qui le concerne. Nul homme n’offre une œuvre pie susceptible de plaire à Dieu — Exalté soit-Il — aussi petite soit-elle sans que Dieu — Exalté soit-Il — ne la répande parmi les gens telle un parfum. Mais lorsqu’il trébuche, et tombe dans la transgression, Dieu — Exalté soit-Il — couvre son acte et le garde secret jusqu’au jour où les gens resurgiront face au Seigneur des Mondes. Ce jour-là, le Seigneur le fera venir en Sa présence, conformément au hadîth authentique, et le couvrira de Sa discrétion. Puis il lui demandera : « Te souviens-tu du péché que tu as commis tel jour ? » Il répondra : « Oui, Seigneur. » Il lui demandera de nouveau : « Te souviens-tu de tel autre péché que tu as commis tel jour ? » Il répondra : « Oui, Seigneur. » Il dira : « Je t’ai caché au regard des gens à cette époque et aujourd’hui Je te pardonne. » Telle est la coutume de Dieu avec Ses serviteurs. Pourquoi nous traiterions nous les uns les autres différemment de la méthode que Dieu emploie à notre égard ? Pourquoi, chers frères ? Pourquoi scruterions-nous les défauts des Musulmans ? Rappelez-vous que vous avez des défauts et que les gens ont autant de langues (capables de vous critiquer). Scrutez donc vos propres défauts. Pourquoi voudriez-vous lever le voile dont Dieu — Exalté soit-Il — aurait couvert vos frères ? A quoi bon cette suspicion ? Depuis quand êtes-vous un seigneur en dehors de Dieu — Exalté soit-Il — pour vous permettre de sonder les consciences et explorer les tréfonds des cœurs ? Qui vous as donné ce mandat ? Qui ? Chers frères, tel est le mal qui nous ronge. Il arrive en tête de nombreux problèmes à l’origine de la décadence qui domine la vie des Musulmans de nos jours.

Il est une autre coutume du Seigneur des Mondes — Exalté soit-Il — vis-à-vis de Ses serviteurs. Tout individu musulman possède un fil d’œuvres pies qui le relie à Dieu — Exalté soit-Il —, que ce fil soit connu des autres ou non. Ce fait doit être connu de tous. Il se peut que je vois un homme dont l’apparence, la seule chose qu’il me soit donné de voir, soit celle d’un homme dévoyé du chemin de Dieu — Exalté soit-Il —. Mais s’il m’était donné de voir dans son cœur, je trouverais un trait louable qui plaît à Dieu — Exalté soit-Il —. Combien nombreux sont ces traits louables et secrets que Dieu a répartis parmi Ses serviteurs par miséricorde. Dès lors que ce fait est connu, il convient de faire preuve de bienséance lorsque l’on parle des serviteurs de Dieu. Il convient de retenir sa langue de toute médisance à leurs égards. Untel dont je vois l’apparence, mais je sais que Dieu — Exalté soit-Il — maintient un fil qui Le relie à Ses serviteurs musulmans, un fil de rappel qui sert au repentir et au retour vers Dieu — Exalté soit-Il —. Comment ferais-je preuve de malséance vis-à-vis de Dieu — Exalté soit-Il — ? Votre voisin dont vous tirez une fierté parce que vous priez et il ne prie point, parce que vous assistez aux cercles du savoir et qu’il ne s’y rend guère, parce que vous vous interdisez les choses illicites et qu’il s’y vautre, ce voisin savez-vous ce qu’il deviendra dans un an et ce que vous-même deviendrez ? Êtes-vous sûr que Satan ne saura pas trouver votre point faible pour vous dévoyer après que vous avez été guidé ? Qu’il ne saura pas vous égarer pour diverses raisons ne serait-ce qu’en raison de cette suffisance dont vous faîtes preuve ? Ce voisin que vous méprisez et que vous médisez, avez-vous la certitude qu’il ne va pas se repentir à Dieu — Exalté soit-Il — et qu’il ne deviendra pas, dans un an, plus ou moins vite, l’un des serviteurs de Dieu les plus dévots et les plus pieux ?

Cette coutume divine qui est à la base de la relation entre Dieu et Ses serviteurs vise donc à nous enseigner les bonnes manières vis-à-vis des serviteurs de Dieu, elle nous enseigne d’être à l’affût de nos propres errements tout en nourrissant de bonnes présomptions vis-à-vis de nos frères. Quand bien vous verriez un homme égaré loin de Dieu — Exalté soit-Il — et du droit chemin, vous devriez envisager un jour où celui-ci deviendrait un saint homme. Puis regardez-vous et craignez de succomber à Satan. Supposez que vous puissiez un jour trébucher et devenir l’un des pires serviteurs de Dieu. Que Dieu fasse miséricorde à l’auteur de cet aphorisme : « Mieux vaut un péché qui induit modestie et humilité qu’une œuvre pie qui induit suffisance et supériorité. »

Chers frères, gardez à l’esprit cet enseignement que le Messager de Dieu — paix et bénédictions sur lui — a prodigué à l’un de nos frères, à l’un de ses Compagnons, qui lui demandait comment réaliser son salut ? Comment être sauvé demain ? Il lui a dit : « Retiens ta langue » Retenez la leçon ! « reste chez toi et pleure sur ton péché » Ne pleurez pas à cause des péchés des autres, ne versez pas de fausses larmes à cause de leurs péchés. Si les limites tracées par Dieu étaient réellement importantes pour vous, vous pleureriez pour vos propres péchés. Si chacun de nous faisait son propre examen de conscience, il jugerait qu’il est le pire homme sur terre. Par conséquent, on devrait nourrir de bonnes présomptions envers nos frères, envers tous les serviteurs de Dieu — Exalté soit-Il —, tout en nous tournant vers nous-mêmes pour nous amender et pour rectifier nos propres défauts.

Tel est mon propos. J’implore le Pardon d’Allâh le Majestueux.

P.-S.

Traduit de l’arabe du site bouti.com.

Notes

[1Sourate 49, Al-Hujurât, Les appartements, versets 11 et 12.

[2Ce hadith figure également dans le Musnad de l’Imâm Ahmad. NdT.

[3Sourate 5, Al-Mâ’idah, La table servie, verset 105. NdT.

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