samedi 13 mai 2006
Plus d’un millénaire avant l’abolition de l’esclavage, l’islam a pratiqué à son égard la politique du confinement et du tarissement des sources. Néanmoins, une seule source d’esclaves est restée tolérée : les prisonniers de guerre. Longtemps avant l’existence de traités internationaux régulant le sort des prisonniers de guerre, l’islam a choisi de préserver leurs vies et de leur offrir des perspectives au sein de la société musulmane. C’est sur ce point que se focalise l’auteur de cet article. Pour une couverture plus complète du point de vue de l’islam sur l’esclavage, le lecteur est invité à lire les articles complémentaires référencés en marge du présent texte.
L’équipe de rédaction d’islamophile.org.
Nombreux sont ceux qui soulèvent la question de l’esclavage en Islam et qui affirment que la pratique de l’esclavage est en contradiction avec la compassion et la miséricorde que l’Islam prétend éprouver à l’égard de l’humanité.
La réponse à ce propos est que l’Islam enseigne à ses disciples de pardonner chaque jour soixante-dix fois à leurs esclaves. C’est seulement si l’esclave commet plus de soixante-dix fautes en une seule journée que son maître est autorisé à le sanctionner légèrement. Les autres religions enseignent-elles à leurs disciples ce comportement noble et humain à l’égard des esclaves ?
Sans parler des esclaves, ils ne sauraient même pas avoir cette mansuétude avec leurs propres enfants. Mais malheureusement, les non-Musulmans s’opposent à l’Islam sur la question de l’esclavage, malgré toute la compassion et la douceur qu’il exige de ses fidèles à l’égard des esclaves, des serviteurs, et des domestiques qu’ils possèdent. Cette compassion que les esclaves ont gagnée à la faveur de l’Islam, ils n’espéraient même pas l’obtenir auprès de leurs propres parents.
La réalité de l’esclavage en Islam est que l’Islam le considère comme un moyen pour sauver des vies humaines. Lorsque l’Islam guerroie contre ses ennemis, et que des milliers, voire des centaines de milliers de soldats sont capturés et faits prisonniers par les Musulmans, quelle attitude doit-on adopter à leur encontre ? Une première possibilité serait de tous les libérer, auquel cas, ce serait faire preuve de la plus grande des stupidités — car la plupart de ces soldats libérés se rassembleraient sans doute à nouveau pour reprendre l’offensive. Une deuxième possibilité serait de tous les exécuter, auquel cas les adversaires de l’Islam ne manqueraient pas d’en faire un scandale autrement plus retentissant que la polémique qu’ils suscitent actuellement au sujet de l’esclavage. Ils diraient alors : « Contemplez la brutalité de l’Islam qui ordonne de tuer sur-le-champ tous les prisonniers de guerre ! » Une troisième possibilité serait de les incarcérer et de les jeter en prison tout en leur garantissant nourriture et vêtements. C’est cette solution qui est pratiquée aujourd’hui par un certain nombre de nations civilisées. Mais cette solution accuse de nombreux défauts. Tout d’abord, c’est une lourde charge que l’État doit supporter, tandis que s’il fait travailler ces prisonniers de guerre, ce sera faire preuve d’un abus de pouvoir. L’État aura par ailleurs besoin de former des gardiens de prison et d’employer un personnel nombreux pour être au service des prisonniers. Ce personnel verra ainsi ses potentialités inhibées et ne pourra plus remplir d’autres tâches administratives, puisque sa seule activité aura été d’être au service des prisonniers et de la prison.
L’expérience est en outre témoin que quelles que soient les facilités et le confort offerts aux prisonniers, ils n’en garderont aucune estime. Car le sentiment d’être privés de leur liberté, la colère et la haine vers lesquelles les pousse cette privation, les amènent à considérer tout service et tout moyen de confort qui leur sont proposés comme de simples futilités. Ainsi, malgré ces dépenses très coûteuses, l’État n’aura rien gagné et n’aura sûrement pas réussi à diminuer le degré d’inimitié de l’ennemi. De plus, la prison rassemble des milliers, voire des centaines de milliers de personnes, d’origines diverses, qui demeureront à l’écart du progrès civilisationnel, ce qui constitue incontestablement une atteinte à leurs droits. Afin d’éviter tous ces désagréments, l’Islam a ordonné la distribution des prisonniers de guerre aux soldats de l’armée. Chaque soldat musulman reçoit ainsi un prisonnier qui n’alourdira guère ses dépenses pour l’entretien de sa famille ; dans le même temps, l’État est débarrassé d’une lourde charge. L’Islam a accordé au soldat le droit de faire travailler le prisonnier, de sorte qu’en le prenant en charge financièrement au niveau de l’alimentation, des vêtements et des soins, il ne devienne pas un poids à supporter. Pour le soldat, cela revient simplement à prendre à son service un domestique qu’il devra entretenir. Il peut donc faire faire à ce prisonnier diverses tâches qui l’aideront à mieux vivre. En contrepartie, le prisonnier-esclave garde sa liberté de circulation : il n’est pas retenu à l’intérieur des murs d’une prison et n’a donc pas de raison de ruminer sa haine contre son maître comme le ferait l’otage de la prison. Dans ce cas, si son maître le traite avec bienfaisance, cette bienfaisance suscitera la gratitude du prisonnier. Il considérera alors que la demeure et la famille de son maître sont sa propre demeure et sa propre famille. Tout ceci n’est pas de la simple spéculation, mais la réalité confirmée par les expériences sur le terrain. De cette manière également, les esclaves progresseront au point de vue civilisationnel et intellectuel, car l’esprit de compréhension mutuelle entre le maître et l’esclave poussera le maître à vouloir instruire, éduquer et cultiver son esclave dans les arts et les techniques. C’est pour cette raison que dans l’histoire de l’Islam, figure un nombre incommensurable de nobles savants qui étaient en réalité des esclaves. Ces esclaves initièrent des progrès considérables dans les diverses branches du savoir et de la pensée. Nombre d’entre eux devinrent des rois et des sultans, des généraux et des commandants d’armées ambitieux.
Voici le sultan Mahmûd Al-Ghaznawî qui régna de 997 à 1030, et que les détracteurs de l’Islam accusent d’avoir répandu l’Islam par l’épée ! L’histoire lui a néanmoins consigné cette anecdote reflétant le degré de tendresse, de compassion, de justice et de douceur avec lesquelles il traitait les esclaves et les serviteurs. Lors d’une de ses attaques contre l’Inde, il captura de nombreux Hindous, qu’il emmena en tant qu’esclaves jusqu’à Ghaznah, sa capitale. Parmi eux, se trouvait un esclave intelligent et très doué. Après l’avoir affranchi, le sultan le prit auprès de lui et lui enseigna toutes sortes de sciences et d’arts. Une fois l’esclave devenu un vertueux savant, le sultan le nomma à des postes administratifs. Et, lui faisant gravir progressivement les échelons, il le nomma gouverneur d’une grande province. Lorsque le sultan l’intronisa et le couronna, l’ancien esclave se mit à pleurer. Le sultan lui demanda alors la raison de ces larmes : « Cette occasion est-elle source de joie ou de pleurs ? » « Je me suis rappelé, dit l’esclave, une histoire qui m’est arrivée dans mon enfance, puis j’ai songé à cet hommage qui m’est rendu aujourd’hui. Alors j’ai pleuré. Maître, ajouta-t-il, lorsque j’étais enfant, les Hindous étaient terrifiés lorsqu’ils apprenaient les nouvelles de vos attaques contre l’Inde. Les femmes hindoues effrayaient leurs enfants en leur mentionnant votre nom. Ma mère elle-même m’effrayait en mentionnant votre nom. Je me disais alors : « Comme ce Mahmûd est injuste et brutal ! Tout le monde le craint et est horrifié par ses méfaits. » Jusqu’à ce que vous attaquiez l’Inde et qu’ait lieu la bataille entre votre armée et l’armée hindoue dans laquelle j’étais enrôlé. J’avais alors peur de la simple évocation de votre nom. Puis je fus capturé et je faillis bien mourir de peur. Je me disais que la mort ne pouvait désormais être que ma seule issue. Mais vous m’avez traité d’une manière différant totalement de ce à quoi doit s’attendre un ennemi de la part de son ennemi. Et aujourd’hui, vous déposez cette couronne sur ma tête. Je n’ai donc pu retenir mes larmes à cause de cet intense bonheur que j’éprouve. Je me dis que si seulement ma mère était encore vivante, afin que je lui dise : « Regarde ! Voici Mahmûd Al-Ghaznawî, dont tu me dressais un horrible portrait, et avec lequel tu m’effrayais en me le décrivant comme le sultan le plus brutal envers ses adversaires et ses ennemis vaincus ! » »
Ce genre d’anecdotes sont très nombreuses dans l’histoire islamique, et si ce prisonnier est devenu gouverneur d’une province islamique, c’est grâce à cet esclavage aujourd’hui condamné. Si ces esclaves avaient été incarcérés dans des prisons, ils n’auraient point affectionné les Musulmans, et les Musulmans ne se seraient point attelés à leur instruction et à leur éducation. Le statut d’esclaves leur a ouvert les portes du progrès et du développement matériel et moral. Il leur a permis de se mêler aux Musulmans et de se cultiver dans les diverses branches des sciences et des arts, ce qui les a rendus aptes à assumer des postes et des fonctions aussi variés que le permet la qualification de chacun. Parmi ces esclaves, il y eut ainsi des traditionnistes et des juristes, des maîtres-récitateurs du Coran et des exégètes, des grammairiens et des hommes de lettres, des juges et des gouverneurs. Le Prophète a en effet insisté très fermement sur la préservation de leurs droits, et a ordonné au maître de faire preuve d’une complète égalité avec son esclave pour ce qui est de l’alimentation, de la boisson et des vêtements, au point qu’il doive manger avec lui sur la même table. Le Prophète dit dans son dernier testament, juste avant sa mort : « Je vous enjoins la prière et ce que possèdent vos dextres [1] ». Grâce à Dieu, les Compagnons, les Successeurs et la plupart des sultans traitèrent les esclaves de cette manière digne. Quiconque transgresse ensuite les préceptes de l’Islam vis-à-vis des esclaves, est seul responsable de ses actes et ne saurait servir de prétexte pour s’opposer à l’Islam qui ordonne de rendre à chacun les droits qui lui reviennent.
Traduit de l’arabe d’un article de Mawlânâ Ashraf ʿAlî At-Tahânawî, disponible en ligne sur le site de l’Université Islamique Dâr Al-ʿUlûm Deoband.
[1] « Ce que possède la dextre » est une paraphrase désignant les esclaves. NdT.
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