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La position de l’Islam sur la thérapie génique

dimanche 10 novembre 2002

Question

Est-ce que la thérapie génique est acceptée en Islam ?

Note : Je rédige un essai sur l’éthique de la thérapie génique et j’apprécierais un point de vue sunnite-hanafite si possible.

Réponse du Docteur Yûsuf Al-Qaradâwî

Un des mérites de l’Islam est qu’il embrasse aisément le progrès scientifique et ne met aucune limite à la créativité dans les domaines de la science et de la technologie. Tout au long de l’histoire, on ne trouvera aucune preuve de conflit entre l’Islam et la science, contrairement aux autres religions où les conflits furent nombreux, à tel point d’ailleurs que des scientifiques furent persécutés et jugés pour leurs découvertes.

L’acquisition de la connaissance — essentielle pour le bien-être de l’humanité — est profondément enracinée en Islam. Elle est considérée comme une obligation de suffisance communautaire [1]. La Communauté musulmane devrait avoir un nombre suffisant de scientifiques musulmans maîtrisant au plus haut degré les connaissances scientifiques, et ce, dans tous les domaines.

Dans le Coran, Dieu dit qu’Il a accordé au genre humain un énorme potentiel et des talents lui permettant de découvrir les secrets de la nature et d’apprendre les lois de l’univers. L’être humain est en effet le vicaire de Dieu sur Terre et tout l’univers est à son service.

Dieu Tout-Puissant dit : "Ne voyez-vous pas que Dieu vous a assujetti ce qui est dans les cieux et sur la terre ? Et Il vous a comblés de Ses bienfaits apparents et cachés. Et parmi les gens, il y en a qui disputent à propos de Dieu, sans science, ni guidée, ni Livre éclairant." [2]

"C’est Lui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre, puis Il a orienté Sa volonté vers le ciel et en fit sept cieux. Et Il est Omniscient." [3]

Par conséquent, puisque l’univers entier est au service de l’homme, il lui est permis de l’explorer et d’en sonder les secrets. Dieu Tout-Puissant dit : "Il y a sur terre des preuves pour ceux qui croient avec certitude, ainsi qu’en vous-mêmes. N’observez-vous donc pas ?" [4]

On ne doit pas penser que les découvertes et le progrès de la science sont des transgressions envers Dieu : elles n’ont été accessibles que par l’aide et la guidance de Dieu. Le Tout-Puissant dit dans les premiers versets révélés du Coran : "Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’une adhérence. Lis ! Ton Seigneur est le Très Noble, qui a enseigné par la plume. Il a enseigné à l’homme ce qu’il ne savait pas." [5]

Les découvertes peuvent être considérées parmi les signes que Dieu a promis de montrer à l’humanité : "Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que ceci (le Coran) est la Vérité. Ne suffit-il pas que ton Seigneur soit témoin de toute-chose ?" [6]

Notre religion nous enseigne que la science est sans limite. Dieu dit : "Et vous n’avez reçu qu’une faible part de connaissance." [7]

"Et dis : "Ô mon Seigneur, accrois mon savoir !" [8] Ceci inclut toutes les catégories de connaissances utiles, qu’elles soient religieuses ou scientifiques, à condition qu’elles soient conformes à la foi et aux valeurs morales, et qu’elles ne soient pas livrées à elles-mêmes sans les restrictions de la religion, de l’éthique et de l’intérêt général.

Dans le Coran, Dieu Tout-Puissant nous donne deux exemples d’utilisation de la connaissance d’une façon inséparable de la religion.

Le premier exemple est l’histoire de Salomon qui montre comment "celui qui était pourvu de la connaissance des écritures" prit le trône de Balqîs, la Reine de Saba, en un clin d’œil. Ceci signifie qu’il put déplacer le trône du Yémen vers la Palestine instantanément. Le plus important ici est que Salomon, bien que Dieu l’ait pourvu de tout, ne devint pas vaniteux ; au contraire, il dit : "Cela est une grâce de mon Seigneur, pour m’éprouver et déterminer si je suis reconnaissant ou ingrat. Quiconque est reconnaissant, c’est dans son propre intérêt qu’il l’est. Et quiconque est ingrat, alors mon Seigneur Se suffit à Lui-même et est Généreux." [9]

Le second exemple provient de l’histoire de Dhû Al-Qarnayn. Ce dernier fabriqua une énorme barrière entre les corrompus par le mal, Gog et Magog, et les croyants pacifiques. "Ainsi, ils ne purent guère l’escalader ni l’ébrécher non plus." [10] Son objectif atteint, il dit : "Ceci est une miséricorde de la part de mon Seigneur. Mais, lorsque la promesse de mon Seigneur viendra, Il le nivellera. Et la promesse de mon Seigneur est vérité." [11]

Les Musulmans ont établi de grandes civilisations fondées sur la religion, la foi et la science, combinant ainsi la sublimité spirituelle et le progrès matériel. Dans ces civilisations, la science est employée au service de la foi et de la morale.

Le problème avec la civilisation occidentale est que la science a été séparée de la religion et que la mentalité scientifique a été détachée de toutes valeurs morales et religieuses. C’est pourquoi il n’est pas étrange de s’apercevoir que la science a été employée en tant que moyen de destruction. Dieu Tout-Puissant dit : "Dès qu’il tourne le dos, il parcourt la terre pour y semer la corruption et saccager culture et bétail. Et Dieu n’aime pas la corruption." [12]

À vrai dire, nous saluons cette nouvelle grande découverte sur le génome humain qui est considérée comme une des plus grandes découvertes de l’histoire. Ces conclusions sont le fruit d’énormes efforts et d’une longue recherche auxquels plusieurs pays occidentaux ont participé. On dit même que c’est une plus grande réalisation que la découverte de la pénicilline ou le premier pas sur la Lune. Nous approuvons toutes ces réalisations et nous espérons que cette découverte sera employée au service de l’humanité.

Il ne fait aucun doute qu’il y a certaines applications où il est permis d’utiliser le génome humain, telles que le traitement des maladies héréditaires, en identifiant les gènes à l’origine de ces maladies. Ceci est conforme à la règle juridique dérivée du Coran et du Hadith stipulant que : "Aucun mal ne sera infligé ou accepté" et il est des savants qui disent que la prévention contre le mal est prioritaire sur la recherche du bénéfice.

J’aimerais préciser que nous ne pouvons pas donner un avis tranché sur ce qu’il est permis de faire et ce qui est interdit puisque nous ne cernons pas complètement toutes les dimensions de ce problème. En effet, les juristes ne doivent pas interférer dans les domaines où ils n’ont aucune connaissance. Dieu Tout-Puissant dit : "Nul ne peut t’informer comme le ferait un parfait connaisseur." [13]

Cependant, dans une telle situation, nous pouvons donner notre avis après avoir consulté des experts qui nous auront expliqué les tenants et aboutissants de cette affaire et nous auront clarifié le pour et le contre. Ce faisant, notre opinion sera établie sur des bases solides à la fois scientifique et religieuse.

Les juristes ont toujours eu pour habitude, lorsqu’ils sont interrogés sur des questions médicales, scientifiques ou économiques, de consulter des experts de ces domaines avant de donner un avis légal sur la licéité ou non de l’affaire en question.

Nous aimerions souligner ici que nous devons mettre en garde contre les abus de la génétique et du clonage humain, et nous espérons que les scientifiques seront suffisamment sages pour ne pas employer ces techniques afin de trafiquer la création de Dieu sous prétexte d’améliorer la race humaine, ou de créer un nouveau sur-homme. Nous ne devons pas dérégler la création de Dieu, car de telles interventions ne mèneraient qu’à de graves conséquences. Ainsi, lorsque des scientifiques ont fait absorber des protéines sous forme de fourrages artificiels aux animaux herbivores, cela a mené à l’irruption de la maladie de la vache folle.

Le génome humain peut être exploité dans le traitement des anomalies congénitales, des malformations fœtales intra-utérines ou dans d’autres voies qui servent la santé de l’être humain.

Il ne devra jamais être employé pour le luxe des personnes riches ou privilégiées qui veulent user de leur influence sur le monde via la richesse, l’intelligence, la santé, la beauté et la puissance. La science devrait être au service de chacun de manière égalitaire. D’ailleurs, elle devrait se préoccuper avant tout d’aider les pauvres et les faibles afin d’accomplir ses véritables objectifs.

Et Dieu est le plus Savant.

P.-S.

Traduit de l’anglais du site Islam-Online.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1En Islam, on distingue les obligations individuelles et les obligations de suffisance communautaire. Les premières doivent être accomplies par chaque individu musulman. Leur abandon est considéré comme un péché. Par opposition, les obligations de suffisance communautaire concernent la communauté dans son ensemble. Dès lors qu’un nombre suffisant d’individus s’en chargent, les autres en sont exemptés. En cas de pénurie, il devient de la responsabilité de chacun de s’y atteler.

[2Sourate 31, Luqmân, verset 20.

[3Sourate 2, la Vache, Al-Baqarah, verset 29.

[4Sourate 51, les Éparpilleurs, Adh-Dhâriyât, versets 20 et 21.

[5Sourate 96, l’Adhérence, Al-`Alaq, versets 1 à 5.

[6Sourate 41, les Versets détaillés, Fussilat, verset 53.

[7Sourate 17, le Voyage nocturne, Al-Isrâ’, verset 85.

[8Sourate 20, Tâ-Hâ, verset 114.

[9Sourate 27, les Fourmis, An-Naml, verset 40.

[10Sourate 18, la Caverne, Al-Kahf, verset 97.

[11Sourate 18, la Caverne, Al-Kahf, verset 98.

[12Sourate 2, la Vache, Al-Baqarah, verset 205.

[13Sourate 35, Le Créateur, tir, verset 14.

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