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La bataille des Dardanelles

mardi 30 mai 2006

La Première Guerre mondiale éclata le 28 juillet 1914 entre les grandes puissances européennes du début du siècle dernier. D’un côté, les forces de la Triple Entente (France, Royaume-Uni et Russie), de l’autre, les forces de la Triple Alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie et Italie). La guerre, initialement euro-européenne, s’étendit progressivement au reste du monde, notamment par l’entremise des empires coloniaux. Initialement étranger au conflit, l’Empire ottoman, autre grande puissance européenne, entra en guerre aux côtés de la Triple Alliance en octobre 1914 pour des motifs qui lui étaient propres. Les Turcs voulurent profiter de cette guerre pour chasser les Anglais et les Français des territoires musulmans qu’ils occupaient en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, et pour mettre un terme aux agressions récurrentes de l’Empire russe, qui grignotait régulièrement des territoires ottomans.

Après une guerre de mouvement qui dura quelques mois, le front occidental entrait dans une impasse et s’installait progressivement dans une guerre de position. Incapables de percer la ligne de front, Français et Anglais décidèrent de mener une offensive détournée pour encercler les empires allemand et austro-hongrois. Les deux solutions retenues étaient soit une offensive dans les Balkans, soit un débarquement sur les côtes baltiques de l’Allemagne.

Sur le front oriental, et plus précisément dans le Caucase, les Ottomans causèrent de lourds dégâts aux forces russes. Ces derniers demandèrent des renforts à leurs alliés franco-anglais, ce qui permit de trancher entre les deux solutions retenues pour encercler les forces de la Triple Alliance. Les Anglais décidèrent ainsi de mettre sur pied une expédition navale dont l’objectif serait de bombarder et de prendre la Péninsule de Gallipoli, située sur la rive occidentale du détroit des Dardanelles, puis de marcher sur la capitale du Califat, Istanbul.

L’Empire ottoman exerçait une souveraineté incontestée sur les détroits du Bosphore et des Dardanelles ainsi que sur la Mer de Marmara, passage obligé pour le transit des navires entre la Mer Méditerranée et la Mer Noire. L’Empire russe avait toujours rêvé d’étendre sa domination sur cette région stratégique. La puissance de l’Empire ottoman constitua pendant de nombreux siècles un excellent argument de dissuasion. Plus tard, lorsque le vieil homme malade de l’Europe montrait de plus en plus de signes d’affaiblissement, ce furent les puissances impérialistes occidentales (la France et l’Angleterre notamment) qui s’érigèrent en rempart devant les visées expansionnistes de l’ours russe. Mais désormais, la donne stratégique avait changé et avec elle, les impératifs militaires.

Les Anglais espéraient ainsi mettre la main sur cette région pour mettre les Turcs hors d’état de nuire et alléger la pression que ces derniers exerçaient sur la Russie. La liaison maritime entre les troupes franco-anglaises et l’armée russe serait par ailleurs assurée.

L’offensive, qui tourna à une déroute des plus humiliantes, fut déclenchée le 19 février 1915. La progression s’avéra difficile en raison du mauvais temps et des premiers revers infligés par les Turcs qui coulèrent trois navires anglais et en endommagèrent trois autres. L’artillerie ottomane, positionnée sur les hauteurs surplombant les deux rives du détroit, concentra en effet sa puissance de feu sur les navires qui s’aventuraient dans l’étroit passage. Les Turcs avaient également semé des mines sur toute la largeur du détroit. Le débarquement effectif des troupes alliées ne commença que le 25 avril, après que les Ottomans eurent pu se préparer de manière adéquate via de meilleures fortifications et la mobilisation d’une armée six fois plus nombreuse qu’au début de la campagne.

Malgré une résistance acharnée des Ottomans, les Corps d’Armée Australiens et Néo-Zélandais (Australian and New Zealand Army Corps), communément appelés les Anzac, parvinrent à prendre pied sur une plage de la côté égéenne de la péninsule de Gallipoli. Ce lieu d’où débuta le débarquement allié porte depuis le nom d’Anzac Cove (la baie des Anzac). Pendant ce temps, les Anglais tentaient de débarquer en cinq points différents autour du Cap Hellès. Ils ne réussirent néanmoins à s’établir qu’en trois points seulement avant de demander et d’attendre des renforts. Ce délai qu’ils s’accordèrent jusqu’à l’arrivée de nouvelles troupes profita aux Turcs qui se préparèrent à la contre-attaque.

Épuisées et malades, les forces anglo-saxonnes furent secourues en juillet 1915 par des renforts britanniques. La progression put reprendre, mais dut se rendre rapidement à l’évidence : chaque offensive et chaque débarquement se soldaient par de lourdes pertes causées par les puissantes contre-attaques ottomanes.

Malgré une vive opposition, le Conseil de Guerre anglais décida à la fin de l’année 1915 de mettre un terme à la campagne de Gallipoli (autrement appelée la bataille des Dardanelles) qui tourna au fiasco complet. Les troupes alliées furent évacuées entre décembre 1915 et janvier 1916. Si cette expédition navale avait atteint son but, cela aurait mis fin à la participation des Turcs à la guerre. Des centaines de milliers de soldats périrent au cours de cette bataille, qui constitue le deuxième plus grand débarquement militaire de l’histoire, après le débarquement de Normandie. Trois cent mille Turcs musulmans et deux cent quatorze mille soldats alliés y perdirent la vie. L’unique acquis de la Triple Entente au terme de cette bataille était que les Ottomans desserrèrent leur étau autour des Russes.

La bataille des Dardanelles fut l’ultime grande victoire militaire de l’Empire ottoman dépérissant.

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