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L’amour du Messager : un mobile pour le suivre

vendredi 4 juin 2004

Ce texte est le premier volet du sermon du vendredi prononcé par le Sheikh Muhammad Sa`îd Ramadân Al-Bûtî le 7 mai 2004 en Syrie, le second volet étant consacré aux invocations.

Louanges à Dieu puis louanges à Dieu. Louanges à Dieu à la hauteur de Ses Bienfaits. Ô notre Seigneur, nous Te louons comme il se doit, devant la Majesté de Ta Face et la Grandeur de Ton Pouvoir. Gloire à Toi, ô Dieu ! Mes louanges sont bien insuffisantes : Tu es comme Tu T’es loué Toi-Même. J’atteste qu’il n’y a de divinité que Dieu, Seul, sans associé, et j’atteste que notre maître et notre Prophète Muhammad est Son Serviteur et Son Messager, Son Élu et Son Bien-aimé. Il est le meilleur Prophète jamais envoyé. Il a été envoyé par Dieu en tant qu’annonciateur et avertisseur destiné à toute l’humanité. Ô Dieu, adresse Tes Salutations et Tes Bénédictions éternelles à notre maître Muhammad et à la Famille de notre maître Muhammad. Je vous enjoins, chers Musulmans, ainsi qu’à mon âme pécheresse, la crainte de Dieu - Exalté soit-Il.

Serviteurs de Dieu,

Les problèmes qui secouent aujourd’hui le monde arabo-musulman sont multiples et très graves. Ces problèmes sont connus de tous, et il n’est nul besoin de s’appesantir là-dessus. Aujourd’hui, une seule chose peut nous préserver de tous ces problèmes : les Musulmans doivent se retrouver et construire entre eux les ponts de l’amour et de l’amitié, afin de se réunir autour d’une parole unique. C’est là l’unique garantie qu’ils ont pour ne pas céder devant ces problèmes. Les ponts de la concorde ne pourront s’établir entre leurs cœurs qu’à une seule condition indispensable : que leurs cœurs débordent tout d’abord d’amour envers Dieu - Glorifié soit-Il - puis d’amour pour le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui. Lorsque l’amour de Dieu et l’amour de Son Messager vivent dans le cœur, ils deviennent, dans la personne de chacun d’entre nous, tels le tronc d’un arbre à partir duquel se ramifient des branches infinies ; cet amour prend corps dans l’amour ressenti par le Musulman pour son frère musulman et dans le réseau affectif qui croît de manière globale entre les individus musulmans.

Pour ce qui est de l’amour de Dieu - Exalté soit-Il - chacun peut s’en convaincre en lisant dans le Livre de Dieu, le verset suivant : « Il est des gens qui prennent, en dehors de Dieu, des égaux à Lui, en les aimant comme on aime Dieu. Or, les croyants sont les plus ardents en l’amour de Dieu. » [1] Nul besoin que je m’arrête avec vous sur le sens clair et explicite de ce verset. Car ce verset est un verset univoque qui n’admet aucune interprétation, ni aucun dévoiement de sa signification manifeste resplendissante de par son contenu.

L’amour de l’Élu - paix et bénédiction sur lui - découle quant à lui de l’amour de Dieu - Exalté soit-Il. Il est en effet impossible pour une personne qui aime Dieu de ne pas aimer Son Messager. Il suffit là encore, pour s’en convaincre, de citer la parole du Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui -, rapportée par At-Tirmidhî et Al-Hâkim d’après `Abd Allâh Ibn `Abbâs, parole authentique si l’on s’en tient aux critères d’authenticité d’Al-Bukhârî et de Muslim : « Aimez Dieu pour les bienfaits qu’Il vous octroie, et aimez-moi pour l’amour dont Il m’aime. »

Ainsi donc, le monde musulman ne pourra se redresser qu’à la condition que son existence s’érige sur le tronc de l’amour de Dieu - Exalté soit-Il - et l’amour de Son Messager élu - paix et bénédiction sur lui.

L’amour du Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui -, tout comme l’amour de Dieu - Exalté soit-Il -, constitue le combustible qui flamboie dans le cœur, poussant l’homme à observer la conduite du Prophète et à marcher sur ses pas. L’amour n’est pas synonyme d’observance, comme se l’illusionnent certaines personnes. L’amour est en effet le combustible qui flamboie dans le cœur, poussant l’homme à observer la conduite du Prophète, à observer la loi de Dieu - Exalté soit-Il - et celle de Son Messager élu - paix et bénédiction sur lui. Si l’amour du Messager de Dieu ou l’amour de Dieu se limitaient à l’observance, comme le soutiennent certains contemporains, alors les hypocrites seraient les premiers à aimer Dieu et Son Messager. Les hypocrites, à l’époque de l’Élu - paix et bénédiction sur lui - participaient en effet avec le reste des Compagnons à l’observance scrupuleuse de la conduite du Prophète. Ils dissimulaient ainsi leur hypocrisie sous des simulacres d’observance : ils jeûnaient avec ceux qui jeûnent, priaient avec ceux qui prient, donnaient l’aumône avec ceux qui la donnent, et participaient assez souvent au combat avec les combattants. Si l’amour était donc synonyme d’observance, alors ces hypocrites seraient de ceux qui aimaient Dieu et Son Messager. Or, la raison ne peut accorder de crédit à ce délire.

Quelle différence y a-t-il entre les Compagnons du Messager de Dieu - que Dieu les agrée - et nous-mêmes ? Ils furent confrontés aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Les problèmes qui les guettaient étaient même bien plus graves, bien plus dangereux et bien plus menaçants que les problèmes dont nous souffrons et nous plaignons aujourd’hui. Qu’est-ce qui les amena, eux, à surmonter ces problèmes ? Et qu’est-ce qui nous amène, nous, à en rester prisonniers ? Une seule différence... Les cœurs des Compagnons du Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui - débordaient d’amour de Dieu et d’amour de Son Messager. Nos cœurs débordent le plus souvent, quant à eux, d’amour de ce bas-monde, de ses instincts et de ses passions, bref, en un mot, d’un amour voué à autre que Dieu. Il n’y a pas de différence entre les Compagnons du Messager de Dieu et nous-mêmes pour ce qui est de l’appréhension rationnelle des vérités de la foi. Il se peut même que les arguments scientifiques que nous possédons concernant les dogmes de l’Islam soient plus nombreux que ceux qu’ils possédaient à leur époque. Nous avons tellement écrit et tellement philosophé. Nous nous sommes tellement étendus sur les nombreux arguments scientifiques démontrant l’Existence de Dieu, démontrant le caractère prophétique du Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui -, démontrant que le Coran est la Parole de Dieu. Les Compagnons de l’Élu - paix et bénédiction sur lui - ne disposaient sans doute pas, pour leur part, de toutes ces philosophies et de tous ces arguments scientifiques. Par conséquent, nous avons la même appréhension rationnelle que la leur des vérités de la foi. Il se peut même que notre observance du Prophète soit identique à la leur. Nos mosquées débordent en effet de gens qui s’inclinent et se prosternent devant Dieu. Le nombre de pèlerins se rendant au Sanctuaire sacré de Dieu augmente inexorablement au fil des années. Il est, peut-être encore plus qu’au temps de nos pieux prédécesseurs, la manifestation de l’attachement des Musulmans à la religion et à la loi de Dieu - Exalté soit-Il. Où se trouve alors la différence entre eux et nous ? La différence est celle que je viens de souligner. Tandis que leurs cœurs étaient des réceptacles de l’amour de Dieu, et en conséquence de l’amour du Messager de Dieu, les nôtres sont devenus, la plupart du temps, des réceptacles de l’amour du bas-monde, des instincts, des passions, de l’amour du sectarisme, de l’amour de soi, etc. Telle est la différence entre eux et nous.

L’amour est donc un état du cœur, un combustible flamboyant dans le cœur et poussant l’être humain à l’observance de celui ou ceux qu’il aime. L’amour pousse l’être humain au sacrifice, au mépris de son ego, et lui permet de dépasser les inclinations de l’âme et du sectarisme. L’amour, tel que défini par les savants, est ce sentiment sacré, singulier et étrange qui, une fois qu’il domine un cœur, est capable de rapprocher le distant, d’amollir l’acier, de rendre facile ce qui est difficile.

Voilà ce dont nous manquons, aujourd’hui, chers frères. Et lorsque je dis « ce dont nous manquons », j’émets toutefois une réserve, car je sais qu’il existe encore, grâce à Dieu, parmi les Musulmans, des gens qui n’ont rien à envier aux Compagnons du Messager de Dieu dans leur amour de Dieu et de Son Messager. Mais malheureusement, ces gens-là sont aujourd’hui une minorité.

Lorsque se déchaînent dans les entrailles de l’homme les sentiments d’amour de Dieu et de Son Messager, celui-ci est obligé de réagir. Devant cet amour, il n’a plus aucun choix. L’amour pousse l’être humain à adopter une réaction prédéterminée et ne peut le laisser libre de ses choix. Un amoureux du Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui - éprouve nécessairement au plus profond de lui-même de brûlants sentiments qui enflamment son entité, et ce, dès qu’il hume autour de lui la moindre odeur se rapportant à la mémoire de l’Élu. La mémoire de l’Élu - paix et bénédiction sur lui - ne se limite pas au jour ni au mois de sa naissance. Combien sont nombreux en effet ces souvenirs qui nous relient sentimentalement à l’Élu - paix et bénédiction sur lui ! À vrai dire, ceux qui disent que les Compagnons du Messager de Dieu ne célébraient pas sa mémoire après sa mort se font des illusions. Des illusions... Ceux qui disent que les Successeurs ou les Compagnons ne célébraient pas se font des illusions. Avaient-ils le choix de le faire ou pas ? Si l’un d’eux passait près d’un arbre sous lequel le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui - avait dormi, il s’arrêtait devant cet arbre tandis que la mémoire de son bien-aimé resurgissait de ses entrailles, lui faisant oublier sa vie ainsi que sa condition. S’il passait par un endroit où s’était arrêté le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui - pendant une campagne militaire, ou s’il traversait la région d’Al-Hudaybiyah où fut scellée par l’Élu la trêve entre les Mecquois et les Musulmans, la mémoire de son bien-aimé se ravivait dans son âme, telle un feu ardent. Il restait là à parler, à clamer des vers de poésie, à exprimer ses sentiments fiévreux, à répandre ses larmes... La mémoire de l’Élu ne se limite pas au jour de sa naissance. Tout ce qui touche et nous relie à notre bien-aimé Élu - paix et bénédiction sur lui - est de nature à raviver sa mémoire. Mais dans le cœur de qui ? Dans le cœur de l’amoureux, l’amoureux qui ne dispose absolument d’aucun choix pour exprimer ou réfréner ses sentiments.

On m’a demandé un jour : « Quelle preuve légale permet de légitimer la célébration de la mémoire de Muhammad - paix et bénédiction sur lui ? »

J’ai répondu : Toute la religion en est une preuve. Je dirai même que toutes les vérités et tous les rites religieux constituent des commémorations. Tous sont des commémorations. La circumambulation autour du Sanctuaire est une commémoration d’un de nos plus précieux souvenirs. Idem pour la prière à la station d’Abraham : « Adoptez donc pour lieu de prière cette station où Abraham se tint debout ! » [2] Pourquoi Dieu - Exalté soit-Il - nous a-t-Il ordonné dans son Livre de célébrer la mémoire de son Ami Abraham - paix et bénédiction sur lui ? Car ce dernier a construit le Sanctuaire avec son fils Ismaël - paix et bénédiction sur lui : « Adoptez donc pour lieu de prière cette station où Abraham se tint debout ! » [2] Même chose pour l’ambulation entre les collines d’As-Safâ et d’Al-Marwah : ne s’agit-il pas là aussi de la commémoration et de la célébration d’un événement grandiose ? Lorsque j’effectue ma prière, que je m’incline, que je me prosterne et que je récite le Livre de Dieu - Exalté soit-Il -, je ne fais rien d’autre que de célébrer une mémoire.

Et quelle mémoire ! Lorsque j’adresse à Dieu mes supplications, en récitant Son Livre et en me prosternant devant Lui, je ne fais que célébrer la mémoire sacrée de l’alliance ancestrale : « Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner contre eux-mêmes : "Ne suis-Je pas votre Seigneur ?" Ils répondirent : "Mais si, nous en témoignons..." - afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection : "Vraiment, nous n’y avons pas fait attention". » [3]

Encore une fois, je pose la question : comment un amoureux du Messager de Dieu peut-il voir passer le mois de Rabî`, durant lequel est né l’Élu - paix et bénédiction sur lui - et humer autour de lui le souvenir de sa naissance, puis ne pas brûler de désir et de nostalgie pour l’Élu ? Un amoureux qui ne ressent pas de désir brûlant... C’est invraisemblable. La commémoration par le cœur de souvenirs sacrés est une chose naturelle inhérente à la nature de l’homme. C’est une partie indivisible du rapprochement de Dieu - Exalté soit-Il.

Lorsque l’Élu effectua son émigration et qu’il s’établit à Médine, il entendit dire que les Juifs jeûnaient le jour de `Âshûrâ’, le dixième jour du mois de Muharram. Il demanda alors pourquoi ils jeûnaient ce jour-là. Ils lui répondirent que c’était le jour où Dieu sauva Moïse de Pharaon, et qu’ils commémoraient ainsi la mémoire de cette grande journée. Notre bien-aimé Élu - paix et bénédiction sur lui - dit alors dans ce hadith authentique : « Nous sommes plus dignes de Moïse qu’eux. » et il ordonna à ses Compagnons de jeûner ce jour-là. Même ceux qui avaient déjà mangé furent tenus de s’abstenir des plaisirs de la chair jusqu’à la fin de la journée. Voilà une preuve.

Mais malgré tout, chers frères, la célébration de la mémoire de notre bien-aimé Élu - paix et bénédiction sur lui - peut prendre des formes diverses et variées. La forme de cette célébration ne doit pas nécessairement être celle que nous voyons aujourd’hui autour de nous. Les formes de célébration sont soumises à l’évolution. Il y a plusieurs siècles, les célébrations ne se faisaient pas de cette manière. Et dans quelques années, il se peut que les célébrations qui ont cours aujourd’hui évoluent également. L’important pour l’homme demeure de célébrer la mémoire de ceux qu’il aime. Il s’agit là d’une vérité indubitable.

Je dis que les gens sont de deux sortes. Il y a ceux qui croient de manière rationnelle en Dieu et en Son Messager, puis qui assignent leur cœur à être un réceptacle pour l’amour du bas-monde, du sectarisme, des passions, etc. Ceux-là n’ont aucune chance de comprendre mes propos. Puis il y a ceux qui ont transformé leur foi en amour dont ils couronnent leur foi rationnelle, et qui ont assigné leur cœur à être un réceptacle de l’amour de Dieu, et en conséquence, de l’amour du Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui. Un exemple de ces gens-là est donné par ce Compagnon devenu extrêmement maigre. Lorsque l’Élu - paix et bénédiction sur lui - lui demanda la raison de son état, il lui répondit : « Ce qui me fait souffrir, c’est de savoir que lorsque les gens seront ressuscités demain devant le Seigneur des mondes, tu seras dans un endroit élevé, inaccessible pour des gens comme moi. Par conséquent, je ne pourrai plus te voir, alors qu’ici-bas, je n’arrive pas à passer une heure sans te voir. Que puis-je faire ? » Et l’Élu - paix et bénédiction sur lui - de lui répondre : « Tu seras avec ceux que tu aimes. » Cette réponse est semblable à celle qu’il fit par ailleurs à un autre Compagnon qui le questionna au sujet de l’Heure dernière. Le Prophète lui rétorqua : « Que lui as-tu préparé ? » L’homme répondit : « À vrai dire, je n’ai pas préparé beaucoup de prières ni beaucoup de jeûne. Mais j’aime Dieu et Son Messager. » Et là encore, le Prophète de lui répondre : « Tu seras avec ceux que tu aimes. »

Nous aussi, chers frères, nous manquons considérablement aux devoirs que nous avons envers Dieu. Nous manquons aux devoirs que nous avons envers notre maître, le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui. J’espère néanmoins que nous soyons tous sincères. Nous possédons des cœurs attestant de notre amour pour Dieu et de notre amour pour le Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui. Cette vérité, nous devons la connaître et la concrétiser. Nos problèmes sont nombreux et nous ne pourrons les résoudre qu’à travers la concorde et l’amitié. La concorde et l’amitié sont des branches issues d’un même tronc, qui est celui de l’amour de Dieu et l’amour du Messager de Dieu - paix et bénédiction sur lui.

Tel sera mon propos. Je demande pardon à Dieu.

P.-S.

Traduit de l’arabe du site Bouti.com.

Notes

[1Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 165.

[2Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 125.

[3Sourate 7 intitulée les Limbes, Al-A`râf, verset 172.

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