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La Conception de la guerre en islam

Les frontières du monde de l’islam

mercredi 10 août 2005

Une petite digression est indispensable pour donner une brève définition de ce que les juristes appellent « terre d’Islam » (dâr al-islâm) et « terre de la guerre » (dâr al-harb). Les juristes ont défini ce que l’on entend par ces deux dénominations opposées.

Selon Abû Hanîfah, font partie de dâr al-harb les pays réunissant en eux les trois caractéristiques ci-dessous. En l’absence de l’une d’elles, on ne peut pas compter ces pays au nombre des puissances ennemies.

  1. La prévalence des lois non-islamiques, stipulant que la loi régnante est non-islamique, autorisant la fornication, la boisson, le jeu ou toute autre activité défendue par l’Islam.
  2. Les pays limitrophes au monde musulman d’où l’on peut craindre à tout moment une attaque contre les terres musulmanes, ou dont l’accès est interdit aux Musulmans.

    D’après les préceptes de Abû Hanîfah, les déserts voisins aux territoires islamiques doivent être sous le contrôle des Musulmans, ainsi que les mers qui baignent les rivages islamiques. Celles-ci ne doivent pas être sous le contrôle de non-Musulmans puisque leur accès ne leur est pas interdit.

  3. Les pays où les Musulmans et leurs protégés ne se sentent pas en sécurité à moins que ces pays ne soient liés aux Musulmans par un pacte.

Telles sont les caractéristiques des pays non-musulmans qui constituent la dâr al-harb. Si l’une de ces caractéristiques vient à manquer, alors le pays concerné sort du cadre de dâr al-harb. Ainsi, lorsque l’accès d’un pays n’appliquant pas les lois islamiques n’est pas interdit aux Musulmans, il ne fait plus partie de la « terre de la guerre ».

La majorité des juristes considère que le critère d’après lequel on peut juger si un pays fait partie ou non du monde musulman, c’est la présence ou l’absence de lois islamiques dans ce pays. Si les lois islamiques y sont en vigueur, il fait par conséquent partie du monde musulman. Si elles n’y sont pas évidentes, il n’en fait pas partie.

Cette conception de dâr al-islâm s’inspire des réalités premières de ce monde que sont les lois. Le pays est donc désigné en rapport avec les lois et les institutions islamiques : l’islamité d’un pays réside dans l’application d’un système particulier et non pas dans la religiosité de sa population.

Al-Kâsânî a exposé l’argumentation de Abû Hanîfah à propos du qualificatif dâr al-islâm. Abû Hanîfah considère comme musulman tout pays dans lequel dominent les lois islamiques, même dans le cas où son accès serait interdit aux Musulmans. Quant à la dâr al-harb, son critère c’est la sécurité : un pays fait partie de cette catégorie ou en est exclu selon que les Musulmans qui y vivent craignent pour leur sécurité ou, au contraire, s’il y jouissent d’une sécurité totale ; les jugements sont donc basés sur la notion de sécurité et d’insécurité et non point d’Islam ou d’incroyance. La considération première était donc donnée à la sécurité et à l’insécurité. Le pays qui donnait la sécurité aux Musulmans et où un ordre absolu régnait ne pouvait en aucune manière être considéré comme un pays hérétique. Mais cet état de sécurité absolue ne peut être dissipé que par la proximité d’un état hérétique. Il dépend donc de ces deux conditions réunies simultanément de considérer un pays comme faisant partie de dâr al-harb.

Abû Hanîfah considère donc un pays où les Musulmans ne se sentent pas en sécurité, où les règles islamiques ne sont pas appliquées et qui soit voisin des pays islamiques, comme faisant partie du monde de la guerre (dâr al-harb). Ce principe est celui qui domine dans l’école de Abû Hanîfah.

Cette définition du « monde de la guerre » accentue le fait qu’un tel pays représente une menace d’agression car le Musulman se sent menacé quant à sa vie et à ses biens. Si l’insécurité vient à disparaître, alors le pays ne peut plus être considéré comme hostile.

Il s’ensuit que si les relations internationales garantissent à chaque homme, habitant un pays, une totale sécurité, sans pour autant avoir conclu un traité, ce pays d’après la définition d’Abû Hanîfah ne peut pas être considéré comme hostile.

D’après les juristes, on ne peut pas appliquer la dénomination de dâr al-harb qu’après s’être réellement assuré de l’insécurité ; la prudence l’exige. Al-Kâsânî dit, à cet effet, pour appuyer cette opinion : « La probabilité et le doute ne suffisent pas à rendre un pays hérétique et hostile. Une certitude bien établie ne peut pas être rayée sur la base d’un soupçon ou d’une probabilité. »

Nous concluons de cette explication que dans la doctrine islamique, il y a deux opinions distinctes quant à la définition du monde islamique (dâr al-islâm) et du monde de la guerre (dâr al-harb) :

  1. Un pays est islamique si les lois qu’il applique le sont. Dans le cas contraire, le pays ne peut pas être considéré comme islamique même s’il prétend l’être.
  2. Si le Musulman se sent en sécurité en tant que Musulman, le pays est islamique. Dans le cas contraire, il est hostile.

La seconde opinion est celle prônée par Abû Hanîfah, et c’est celle qui est la plus proche des principes de l’Islam ; elle s’accorde avec la véritable conception de la guerre en Islam qui a pour seul motif de repousser l’agression. Soit le Musulman ne se sent pas en sécurité, car le danger de l’agression est imminent, soit, au contraire, il se sent en sécurité par le fait même qu’il n’y a aucune menace d’agression. Dans le premier cas nous avons affaire à « dâr al-harb ». Dans le second cas, il s’agit de « dâr al-islâm ».

P.-S.

D’après la série intitulée "Études sur l’islam", publié par le Ministère des Biens de Mainmorte et des Affaires Islamiques d’Égypte, juillet 1987. Relu et adapté par islamophile.org.

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