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Ô mon fils !

Ô mon fils ! (3)

dimanche 26 novembre 2006

Si tu appliques ce hadith [1], tu n’auras pas besoin d’acquérir beaucoup de savoir. Médite aussi d’autres récits, comme celui où Hâtim Al-Asamm, l’un des disciples de Shaqîq Al-Balkhî — qu’Allâh soit satisfait d’eux —, lui demanda : « Tu m’as accompagné trente années durant. Qu’y as-tu acquis ? » Il répondit : « De la science , j’ai retenu huit leçons qui me suffisent car j’ai bon espoir d’y trouver mon salut et ma délivrance. » Shaqîq demanda : « Quelles sont ces huit leçons ? » Hâtim répondit :

Premièrement, à contempler les créatures, j’ai vu que chacune avait un bien-aimé adoré dont elle est amoureuse et passionnée. Parmi ces bien-aimés, certains l’accompagnent jusqu’à la maladie de la mort et d’autres jusqu’au bord de sa tombe. Puis ils s’en retournent tous, l’abandonnant ainsi seule et délaissée sans que personne ne l’accompagne dans sa tombe. J’ai alors médité et trouvé que, pour toute créature, le meilleur bien-aimé serait celui qui la suivrait et l’accompagnerait dans sa tombe. Je n’ai trouvé personne faisant cela, sauf les bonnes œuvres, alors j’en ai fait ma bien-aimée afin qu’elle me serve de luminaire dans ma tombe, qu’elle m’accompagne et qu’elle ne me laisse point seul.

Deuxièmement, voyant les gens suivre leurs passions et obéir à leurs penchants, j’ai médité la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « Quant à celui qui aura redouté de comparaître devant son Seigneur, et préservé son âme de la passion § le Paradis sera alors son refuge » [2]. Ayant la certitude que le Coran est la vérité authentique, je me suis appliqué à contredire mon ego, à lutter contre lui et à le priver de ses passions jusqu’à ce qu’il soit habitué à l’obéissance à Allâh et à l’assujettissement à Lui.

Troisièmement, voyant chacun chercher à amasser les débris de l’ici-bas, puis s’y attacher fermement, j’ai médité la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « Ce que vous possédez s’épuisera, tandis que ce qui est auprès d’Allâh durera. » [3] J’ai alors dépensé, pour la Face d’Allâh, tout ce que j’ai pu récolter dans l’ici-bas en le redistribuant aux pauvres, afin que cela me serve de provision auprès de Lui.

Quatrièmement, j’ai remarqué que certaines personnes pensent que leur honneur et fierté résident dans l’ampleur de leur clan et l’abondance de leurs effectifs, et s’enorgueillent de cela. D’autres prétendent que l’honneur provient de l’opulence et du nombre d’enfants. D’autres considèrent que l’honneur et la fierté impliquent la spoliation des biens, l’oppression des gens et l’effusion de leur sang. Un autre groupe croit que cela réside dans les dépenses d’argent et dans le gaspillage. J’ai alors médité la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allâh, est le plus pieux » [4] et j’ai choisi la piété, croyant en la véracité du Coran et en l’égarement de leur jugement.

Cinquièmement, voyant les gens se dénigrer et se calomnier, j’ai trouvé que cela provenait de la jalousie en matière d’argent, de prestige ou de science. J’ai alors médité la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « C’est Nous qui avons réparti entre eux leur subsistance dans la vie présente » [5] et su que cette répartition avait été depuis longtemps établie. Je me suis donc abstenu d’envier qui que ce soit, acceptant ainsi la répartition divine.

Sixièmement, voyant l’hostilité opposer les gens les uns aux autres pour une raison ou une autre, j’ai médité la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « Satan est pour vous un ennemi. Prenez-le donc pour ennemi. » [6] J’ai alors su qu’il ne faut prendre pour ennemi que le diable.

Septièmement, j’ai observé que les gens s’efforcent assidûment et de manière exagérée à chercher leur subsistance et à gagner leur pain, au point de tomber dans des actes douteux ou illicites, voire de s’abaisser ou de s’humilier. J’ai alors médité la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « Il n’y a point de bête sur terre dont la subsistance n’incombe à Allâh » [7] et su que ma subsistance incombe à Allâh Qui me l’a garantie. Je me suis alors occupé de Son adoration, m’abstenant de convoiter autre que Lui.

Huitièmement, j’ai trouvé que chacun compte sur une créature comme, pour certains, le dinar et le dirham ; pour d’autres, la fortune et les possessions ; pour d’autres, le métier ou le savoir-faire ; et pour d’autres enfin, une autre créature comme soi. J’ai alors médité la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « Et quiconque place sa confiance en Allâh, Il lui suffit. Allâh atteint ce qu’Il Se propose, et Allâh a assigné une mesure à chaque chose » [8] et placé ma confiance en Lui car Il me suffit et quel Meilleur Garant.

Shaqîq dit : « Qu’Allâh t’accorde la réussite. En méditant sur la Torah, l’Évangile, les Psaumes et le Coran, j’ai trouvé que les quatre Livres tournent autour de ces huit leçons. Quiconque les applique aura œuvré à la lumière de ces quatre Livres. »

Ô mon fils, tu auras compris — à travers ces deux récits — que tu n’as pas besoin d’accumuler beaucoup de science. Je t’expliquerai à présent ce que l’itinérant sur la voie de la Vérité est tenu d’observer.

Sache qu’il est indispensable pour l’itinérant d’avoir un Maître qui puisse le guider et l’éduquer, de manière à le débarrasser de ses mauvaises manières, grâce à l’éducation, et à les remplacer par de bonnes manières. L’essence de l’éducation est comparable à la tâche du paysan qui arrache les ronces et les mauvaises herbes de son champ, afin que sa culture pousse dans les meilleures conditions et qu’elle s’épanouisse. Il est donc indispensable pour l’itinérant d’avoir un maître qui l’éduque et le guide vers le sentier d’Allâh — Exalté soit-Il — car Allâh envoya à Ses serviteurs un Messager afin de les guider vers Son sentier. Après que ce messager — paix et bénédictions sur lui — eut décédé, il laissa derrière lui des successeurs afin de guider les gens vers Allâh — Exalté soit-Il —.

Pour être qualifié au successorat du Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui —, ce maître doit être un savant. Mais les savants ne sont pas tous qualifiés pour le successorat. Je t’exposerai ci-après certaines des caractéristiques générales d’un tel maître afin que le statut de guide ne soit pas usurpé par tout un chacun. Ce doit être un savant détaché de l’amour de l’ici-bas et du prestige et rattaché par sa formation à un Maître, lui-même rattaché via les maillons successifs de la formation au Maître des messagers — paix et bénédictions sur lui —. Il doit être au point personnellement au plan de l’exercice spirituel en limitant sa dose de nourriture, de parole, et de sommeil, et en multipliant les prières, les aumônes et le jeûne. Grâce à la compagnie de son Maître et éducateur, il doit être pétri de bonnes manières telles que la patience, la prière, la gratitude, la confiance totale en Allâh, la certitude, la générosité, le contentement, la sérénité, la clémence, l’humilité, la science, la franchise, la pudeur, la fidélité, l’estime, la quiétude, la circonspection et ainsi de suite. Ainsi représenterait-il l’une des lumières du Prophète — paix et bénédictions sur lui — que l’on peut prendre comme guide. Cependant, un tel savant est plus rare que le soufre rouge.

Quiconque a le bonheur de trouver un tel Sheikh qui veuille bien de lui en tant que disciple, doit le respecter tant en apparence qu’en son for intérieur. Son respect en apparence signifie le fait de ne pas disputer ses ordres et de s’abstenir d’argumenter auprès de lui, même en sachant qu’il a tort. Le disciple ne doit pas non plus étaler son tapis de prière devant son Sheikh sauf à l’heure de la prière, et doit ployer son tapis aussitôt la prière accomplie. En sa présence, il ne doit pas multiplier les prières surérogatoires et doit appliquer ce que le Sheikh lui ordonne, autant que faire se peut.

Quant à son respect en son for intérieur, cela consiste pour le disciple à accepter en son for intérieur tout ce qu’il écoute ou accepte de son Sheikh en apparence, fût-ce au niveau des actes ou des paroles, pour ne pas tomber dans l’hypocrisie. S’il se sent incapable de ce faire, il doit cesser d’accompagner son Sheikh jusqu’à ce que son for intérieur soit de nouveau en accord avec son apparence.

Par ailleurs, l’itinérant doit éviter la mauvaise compagnie afin de limiter l’emprise des diables parmi les Jinns et les humains sur son cœur et afin de se purifier de leurs vices. Il doit également préférer en permanence la pauvreté (en Allâh) à la richesse.

Sache aussi que le soufisme est caractérisé par deux attributs : la droiture envers Allâh — Exalté soit-Il — et la bonne conduite envers les gens. Quiconque est droit envers Allâh — Exalté soit-Il —, se conduit noblement avec les gens et se montre clément envers eux est un « soufi ». La droiture envers Allâh — Exalté soit-Il — consiste à sacrifier la part de son ego dans l’ici-bas pour le bonheur de son âme (dans l’au-delà). La bonne conduite consiste quant à elle, non pas à porter les autres à s’aligner sur ce que tu désires, mais plutôt à t’aligner sur ce qu’ils désirent, tant qu’ils ne bravent pas la Législation.

Tu m’as interrogé également au sujet de la servitude. Cette dernière comprend trois choses :

  1. L’observation des ordres du Législateur.
  2. L’acceptation de la destinée et du décret d’Allâh — Exalté soit-Il —.
  3. L’abandon de la satisfaction personnelle préférant la satisfaction d’Allâh.

Tu m’as demandé en quoi consiste la confiance totale en Allâh. Elle consiste à croire avec certitude en Sa promesse et d’être sûr que ce qui t’est prédestiné te parviendra sans aucun doute même si tout le monde s’efforce à l’empêcher. De même, tout ce qui ne t’est pas prédestiné ne te parviendra jamais même si tout le monde te vient en aide.

Tu m’as interrogé au sujet de la sincérité. Il s’agit de consacrer toutes les œuvres pour la Face d’Allâh, de ne jamais se réjouir de l’éloge des gens ni de s’inquiéter de leur médisance. Sache que c’est la glorification des gens qui engendre l’hypocrisie. Afin d’y remédier, veille à les considérer comme des créatures assujetties à la Puissance d’Allâh. Afin de rompre avec ta fausseté, dis-toi que les gens sont tels des objets inertes ne pouvant t’apporter ni repos ni fatigue. Jamais tu ne te débarrasseras de ton hypocrisie si tu crois que les gens possèdent quelque puissance ou volonté.

Ô mon fils, pour le reste de tes questions, certaines sont élucidées dans mes écrits ; consulte-les donc. Il est illicite d’en élucider d’autres par écrit. Mais, je te conseille d’appliquer ce que tu connais afin que te soit divulgué ce que tu ignores. Le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : « Quiconque applique ce qu’il apprend, Allâh lui fera hériter le savoir de ce qu’il ignore. » [9]

Ô mon fils, à présent ne m’interroge plus sur les questions qui t’intriguent, à moins qu’elles deviennent pressantes sur ton esprit. Allâh — Exalté soit-Il — dit : « Et s’ils patientaient jusqu’à ce que tu sortes à eux, ce serait certes mieux pour eux » [10] Accepte le conseil d’Al-Khidr — paix sur lui — lorsqu’il dit : « Ne m’interroge sur rien tant que je ne t’en aurai pas fait mention » [11] Et ne te hâte pas sur une affaire quelconque et patiente jusqu’à ce que son temps arrive et que son secret soit dévoilé : « Je vous montrerai Mes signes. Ne me hâtez donc pas » [12] Et ne te renseigne pas au sujet de quoi que ce soit avant que son temps n’arrive et sois certain que tu ne parviendras guère sans cheminement, en vertu de la Parole d’Allâh — Exalté soit-Il — : « N’ont-ils donc jamais parcouru la terre pour voir » [13]

Ô mon fils, par Allâh, si tu chemines sur la voie d’Allâh, tu verras des merveilles à toute station. Veille à dépenser de ta personne volontairement car le dévouement est la base de ce chemin. À ce sujet, Dhû An-Nûn Al-Misrî — qu’Allâh lui fasse miséricorde — dit à l’un de ses disciples : « Si tu te sens capable de dépenser de ta personne, viens. Sinon ne t’intéresse pas aux broutilles des soufis. »

Notes

[1Le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — dit à quelques-uns de ses Compagnons : « Œuvre pour ta vie ici-bas à mesure que tu y resteras. Œuvre pour ta vie dans l’au-delà à mesure que tu y demeureras. Œuvre pour Allâh à hauteur de ton besoin envers Lui et œuvre pour l’Enfer à hauteur de ce que tu peux en supporter. Lorsque tu t’apprêtes à désobéir à ton Seigneur, trouve-toi un endroit où Il ne peut te voir. » (Rapporté par Al-Munâwî dans At-Taysîr selon une autre variante, tome 1, page 176. NdT.)

[2Sourate 79, An-Nâzi`ât, Les anges qui arrachent les âmes, versets 40 et 41.

[3Sourate 16, An-Nahl, Les abeilles, verset 96.

[4Sourate 49, Al-Hujurât, Les appartements, verset 13.

[5Sourate 43, Az-Zukhruf, L’ornement, verset 32.

[6Sourate 35, tir, Le Créateur, verset 6.

[7Sourate 11, Hûd, verset 6.

[8Sourate 67, At-Talâq, Le divorce, verset 3.

[9Al-`Irâqî dit dans Takhrîj Ahâdîth Al-Ihyâ’, Tome 1, page 71 : « Rapporté par Abû Nu`aym dans la Hilyah selon Anas, et jugé par lui comme étant faible. »

[10Sourate 49, Al-Hujurât, Les appartements, verset 5.

[11Sourate 18, Al-Kahf, La caverne, verset 70.

[12Sourate 21, Al-Anbiyâ’, Les prophètes, verset 37.

[13Sourate 35, tir, Le Créateur, verset 44.

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