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Qu’est ce que l’apostasie ?

jeudi 20 février 2003

Question

Qu’est-ce que l’apostasie (riddah) ?

Réponse du Sheikh Sayyid Sâbiq

Ar-riddah signifie littéralement le retour en arrière. Elle a la même signification que al-irtidâd, sauf qu’elle concerne en général la dénégation de Dieu.

Dans le cas présent, elle signifie le détournement délibéré, sans contrainte aucune, du Musulman, mature et conscient, de l’Islam vers la dénégation. Cette définition est aussi bien valable pour l’homme que pour la femme.

En corollaire de cette définition, on peut indiquer que le détournement du malade mental et de l’enfant n’est pas considéré comme une apostasie, car ils ne sont pas responsables de leurs actes. Le Prophète — paix et bénédiction sur lui — dit : « Trois catégories de personnes ne sont pas responsables de leurs actes : le dormeur jusqu’à ce qu’il se réveille, l’enfant jusqu’à ce qu’il atteigne la puberté et le malade mental jusqu’à ce qu’il reprenne conscience. » [1]

Par ailleurs, un Musulman qui renie l’Islam sous la contrainte n’est pas un apostat, tant que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi. Ainsi, `Ammâr Ibn Yâsir fut contraint malgré lui de renier l’Islam. Dieu révéla alors à son sujet : « Quiconque a renié Dieu après avoir cru... — sauf celui qui y a été contraint alors que son cœur demeure plein de la sérénité de la foi — mais ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à l’infidélité, ceux-là ont sur eux une colère de Dieu et ils ont un châtiment terrible. » [2] Ibn `Abbâs dit au sujet de `Ammâr : « Les idolâtres l’enlevèrent, avec son père, sa mère Sumayyah, Suhayb, Bilâl et Khabbâb puis les torturèrent. Sumayyah fut attachée entre deux chameaux. On lui amena une lance et on lui dit : « Tu t’es convertie à l’Islam pour les hommes. » Elle fut alors tuée ainsi que son époux. Ce sont les deux premiers martyrs de l’Islam. Quant à `Ammâr, il prononça malgré lui ce qu’ils voulurent entendre. Il se plaignit alors auprès du Prophète — paix et bénédiction sur lui — qui lui demanda : « Comment sens-tu ton cœur ? » `Ammâr répondit : « Plein de la sérénité de la foi. » Le Messager lui dit : « S’ils reviennent vers toi, reviens-y [3]. » »

A partir de quand le Musulman devient-il un apostat ?

Le Musulman n’est considéré comme étant sorti de l’Islam et n’est accusé d’apostasie que si son cœur s’ouvre à la dénégation, y devient confiant et y entre effectivement. Dieu dit en effet : « mais ceux qui ouvrent délibérément leur cœur à l’infidélité » [1]. Le Messager — paix et bénédiction sur lui — dit : « Les actions sont jugées d’après les intentions, et il en sera tenu compte à chaque homme dans la mesure de son intention. » Ainsi, étant donné que ce qui est dans le cœur est un Inconnu (ghayb) que Seul Dieu connaît, il est nécessaire, avant de lancer une accusation d’apostasie, que ce qui prouve explicitement et de manière indubitable la dénégation d’un individu émane directement de celui-ci. On a rapporté d’après l’Imâm Mâlik l’avis suivant : « Quiconque émane de sa part ce qui implique la dénégation sous quatre-vingt-dix-neuf formes, et que la foi n’est impliquée que par une forme, sera considéré comme ayant la foi. »

Parmi les éléments susceptibles de prouver la dénégation :

  1. Renier de la religion ce qui en est nécessairement connu [4] : par exemple renier l’Unité de Dieu, renier le fait qu’Il soit le Créateur de cet univers, renier l’existence des Anges, renier à Muhammad — paix et bénédiction sur lui — le statut de Prophète et au Coran celui de révélation divine, renier la Résurrection et la Rétribution, renier le caractère obligatoire de la prière, de l’aumône légale (zakâh), du jeûne ou du pèlerinage.
  2. Considérer comme licite un interdit au sujet duquel les Musulmans sont consensuellement d’accord sur sa prohibition : par exemple, considérer comme licite la consommation d’alcool ou de porc, considérer comme licite l’usure, considérer comme licite le meurtre ou le vol.
  3. Interdire ce que les Musulmans sont consensuellement d’accord pour considérer comme licite : par exemple interdire les bonnes nourritures.
  4. Insulter ou railler le Prophète ainsi que tout autre prophète envoyé par Dieu.
  5. Insulter la religion, diffamer le Coran et la Sunnah, ne pas se référer à ces derniers dans le domaine politique et leur préférer des lois purement humaines.
  6. Jeter le recueil coranique (mushaf) ou les livres de hadiths dans les ordures, par mépris et par dédain de ce qu’ils contiennent.
  7. Faire fi d’un des noms de Dieu, d’un de Ses Commandements, d’un de Ses interdits ou d’une de Ses promesses.

Tout cela ne s’applique pas aux Musulmans récemment convertis qui ne connaissent pas encore les directives de l’Islam ni les limites qu’ils doivent observer. Si l’un d’eux nie par ignorance un élément de la religion, il n’est pas considéré comme un apostat. Par ailleurs, il existe des questions faisant le consensus des Musulmans mais que seuls quelques-uns connaissent. Celui qui nie une telle question n’est pas considéré comme un apostat : il est excusé à cause de son ignorance de ladite question qui n’est pas toujours portée à la connaissance du grand nombre. Parmi les exemples de ce type de questions, on peut citer l’interdiction pour l’homme d’épouser la tante paternelle ou maternelle de son épouse, le fait que le coupable d’homicide volontaire soit privé d’héritage, le fait que la grand-mère reçoive le sixième de l’héritage, etc.

N’entrent pas non plus en ligne de compte les doutes qui peuvent travailler l’âme. En effet, Dieu ne fait pas cas de ces doutes. Muslim a ainsi rapporté d’après Abû Hurayrah que le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — dit : « Dieu — Exalté soit-Il — a pardonné à ma Communauté les pensées qui travaillent son âme, tant qu’elle ne les concrétise pas ou qu’elle n’en parle pas. » Muslim a également rapporté que Abû Hurayrah dit : « Un groupe de Compagnons du Prophète — paix et bénédiction sur lui — vinrent le voir et lui dirent : « Nous avons dans nos fors intérieurs des pensées que nous trouvons sacrilège de prononcer. » Le Prophète demanda : « Et vous l’avez trouvé [ce doute qui entretient l’âme] ? » « Oui », répondirent-ils. « C’est cela la vraie foi », conclut le Prophète. » Muslim a également rapporté sur l’autorité de Abû Hurayrah que : « Le Messager de Dieu — paix et bénédiction sur lui — dit : « Les gens peuvent se demander : « Est-ce Dieu qui est à l’origine de la Création ? Dans ce cas, qui a créé Dieu ? » Quiconque est travaillé par ce genre de pensées doit dire : « Je crois en Dieu. » » »

P.-S.

Traduit de l’arabe du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1Hadith rapporté par Ahmad et autres compilateurs de traditions ; le hadith est considéré comme fiable par At-Tirmidhî ; Al-Hâkim le considère comme authentique car répondant aux critères d’authenticité établis par Al-Bukhârî et Muslim.

[2Sourate 16 intitulée les Abeilles, An-Nahl, verset 106.

[3Le Prophète dit ici à `Ammâr que si les idolâtres remettent encore une fois la main sur toi et veulent que tu renies l’Islam, renie-le, sachant que ta foi est profondément ancrée dans ton cœur.

[4Cette notion est explicitée dans l’article suivant : "Renier de la religion ce qui en est nécessairement connu".

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