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Introduction au système économique islamique

Introduction

dimanche 22 janvier 2006

L’islam guide ses adeptes dans chacune des phases et des activités de leur vie, dans des domaines aussi bien matériels que spirituels. Plusieurs passages du Coran explicitent ses enseignements fondamentaux en rapport avec l’économie. Bien loin de mépriser le bien-être matériel, le Coran reconnaît « les biens dont Allah a fait votre subsistance » [1] et ordonne : « Et n’oublie pas ta part de ce monde » [2].

Cependant, le Coran insiste sur le dualisme qui caractérise l’Homme, en rappelant qu’« il est des gens qui disent seulement : "Seigneur ! Accorde nous [le bien] ici-bas ! " - Pour ceux-là, nulle part dans l’au-delà. Et il est des gens qui disent : "Seigneur ! Accorde nous belle part ici-bas, et belle part aussi dans l’au-delà ; et protège-nous du châtiment du Feu !" Ceux-là auront une part de ce qu’ils auront acquis. Et Allâh est prompt à faire les comptes. » [3]. D’autres versets affirment clairement que tout ce qui se trouve sur la terre, dans les mers et même dans les cieux a été créé par Dieu pour le bénéfice de l’Homme ; ou que tout se qui se trouve sur Terre, dans les cieux, l’océan, les étoiles et autres éléments de la Création a été assujetti à l’Homme par la volonté de Dieu. Il reste alors à l’Homme à connaître et profiter de la Création de Dieu, mais à en profiter d’une manière rationnelle, en étant attentif au futur.

La politique économique de l’Islam a également été exposée dans le Coran en des termes sans équivoque : « afin que cela (ces richesses) ne circule pas seulement parmi les riches d’entre vous... » [4]. L’égalité entre les hommes en termes de richesse et de confort, bien qu’elle soit idéale, ne garantit pas un bienfait total pour l’humanité. Tout d’abord parce que les talents naturels ne sont pas également répartis chez les Hommes, si bien que si l’on voulait constituer un groupe d’individus parfaitement égaux, très tôt le dépensier sombrerait dans la difficulté et se mettrait à convoiter jalousement la fortune de ses compagnons. D’autre part, d’un point de vue philosophique et psychologique, il semble désirable, dans l’intérêt même de la société, qu’il existe différents niveaux de richesse, les plus pauvres ayant le désir et la motivation de travailler plus dur. En effet, si l’on annonçait à chacun que le travail de l’individu au delà de ce que requiert sa mission ne lui vaudra aucune récompense ni distinction par rapport à ceux qui se contentent d’accomplir le strict minimum, alors la paresse et la négligence se généraliseraient, et les talents de l’individu seraient gâchés pour le plus grand malheur de l’humanité.

Comme tout un chacun peut le constater, les conditions de vie de l’Homme sont en progrès constants, grâce à la maîtrise et l’exploitation l’une après l’autre de toutes ces ressources que Dieu a créées, tandis que le reste du Règne animal n’a connu aucun changement dans ses modes de vie depuis que Dieu en a établi les différentes espèces. Cette différence se doit, d’après les spécialistes, à l’existence simultanée d’une forme de société, de coopération, et d’une liberté de concurrence entre les membres de la société, c’est-à-dire les êtres humains, alors que les autres animaux manquent de l’une ou de toutes ces conditions nécessaires. Les chiens, les chats ou les serpents, par exemple, ne fondent même pas de famille ; ils perpétuent leur race par voie « d’unions » libres et momentanées. D’autres animaux, tels les corbeaux et les pigeons, fondent une véritable famille en formant des couples ; pourtant, bien que le mâle aide à la construction du nid, chaque membre du couple ne peut compter que sur lui-même pour sa subsistance. La forme de coopération sociale la plus développée s’observe sans doute chez les abeilles, les fourmis et les termites : ils vivent en collectivité, dans une parfaite égalité en termes de richesses, et pourtant sans concurrence entre leurs membres, ce qui rend par conséquent impossible pour le plus intelligent ou le plus travailleur de vivre mieux que les autres. On ne peut ainsi parler ni d’évolution, ni de changement, et encore moins de progrès chez ces espèces, contrairement à l’espèce humaine. L’histoire humaine montre que toute avancée et toute découverte influençant la qualité de vie de l’Homme est née de la concurrence et du désir de progrès, ainsi que de l’existence de degrés de richesse ou de pauvreté entre les hommes. Néanmoins, une liberté absolue conduirait à une exploitation des nécessiteux par les riches malintentionnés, qui les épuiseraient graduellement. Il s’avère donc nécessaire, pour toute culture saine et toute civilisation ayant connu le progrès, d’imposer certains devoirs à ses membres (tel que le paiement d’impôts, l’interdiction du recours à l’oppression ou à la fraude, etc.), et de recommander certains actes surérogatoires (tels que la charité et la munificence dans la cause de Dieu), tout en garantissant toutefois à ses membres une grande liberté de pensée et d’action, de sorte que chacun puisse profiter à soi-même, à sa famille, à ses amis et à la société entière. Telle est l’exigence de l’Islam, en conformité avec la Nature.

C’est sur ce principe fondamental que l’Islam a bâti son système économique. Si ce système tolère la minorité des riches, il leur impose de même des obligations plus lourdes : ils doivent payer des impôts qui reviendront aux pauvres, et toute pratique immorale d’exploitation, de rétention ou d’accumulation de richesses leur est proscrite. À cette fin, des ordres et des injonctions, ainsi que certaines recommendations — par rapport à la charité et au sacrifice — sont édictés avec la promesse d’une récompense spirituelle (dans l’Au-delà). De plus, ce système opère la distinction, d’une part, entre le minimum nécessaire et l’abondance désirable et, d’autre part, entre ces ordres et injonctions accompagnés de sanctions matérielles et ceux qui ne le sont pas, mais pour lesquels l’Islam se contente d’un travail de persuasion et de sensibilisation.

Nous allons tout d’abord brièvement décrire cet aspect moral, dont nous illustrerons les implications par quelques exemples. L’Islam condamne en des termes très durs la mendicité, en la décrivant comme une abomination et une source de honte au jour de la Résurrection ; et pourtant ceux qui viennent en aide aux autres font l’objet d’éloges extraordinaires, le meilleur des hommes étant de fait celui qui se sacrifie pour les autres et fait preuve d’abnégation. De même, l’avarice et la prodigialité sont prohibées. Un jour, le Prophète de l’Islam avait besoin de fonds importants pour une cause publique. Un de ses amis avança une certaine somme en contribution, et aux questionnements du Prophète, il répondit : « Je n’ai rien laissé chez moi sauf l’amour de Dieu et de Son messager. » Cet homme fit l’objet de chaleureuses louanges du Prophète. En une autre occasion encore, un autre de ses compagnons qui était gravement malade, lui dit, alors qu’il était venu s’enquérir de son état : « Ô Messager de Dieu ! Je suis un homme riche, et je veux léguer tout ce que je possède aux pauvres. » Le Prophète répondit : « Non, il est préférable de laisser à tes proches un moyen de survie et d’indépendance matérielle plutôt que de les rendre dépendants des autres et de les obliger à quémander. » Lorsque l’offre de l’homme tomba aux deux tiers, puis à la moitié de ses possessions, le Prophète répondait invariablement : « C’est trop. » Lorsque l’homme se résigna à ne donner qu’un tiers de ses possessions en charité, il dit : « Même le tiers est une quantité importante. » [5]. Un jour, le Prophète aperçut l’un de ses compagnons en guenilles. À ses questions, l’homme répondit : « Ô Messager de Dieu ! Je ne suis pas du tout pauvre ; mais je préfère juste dépenser ma fortune pour le bien des pauvres plutôt que pour moi-même. » Le Prophète commenta : « Non, Dieu aime voir sur son esclave les manifestations des bienfaits qu’Il lui a accordés ! » [6]. Point de contradiction dans ces directives ; chacune se réfère à un contexte précis et se rapporte à des cas individuels bien distincts. Il nous est possible de déterminer les limites de la liberté qui nous est laissée quant à l’utilisation des excédents de richesses qu’il nous reste après le paiement de leur dû aux autres membres de la société.

P.-S.

Traduit de l’anglais du site de l’université islamique de Malaisie.

Notes

[1Sourate 4, An-Nisâ’, Les femmes, verset 5.

[2Sourate 28, Al-Qasas, Les récits, verset 77.

[3Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, versets 200-202.

[4Sourate 59, Al-Hashr, L’exode, verset 7.

[5cf. Al-Bukhârî.

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