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Le devoir sacré de défendre Jérusalem

vendredi 14 mars 2003

Question

Que la paix soit sur vous.

Quelle est la position légale de l’Islam concernant l’abandon de Jérusalem avec tous ses lieux saints islamiques et chrétiens ? Les Arabes et les Musulmans du monde entier fermeraient-ils les yeux si un tel crime voyait le jour ?

Réponse de Sheikh Yûsuf Al-Qaradâwî

Nul Musulman, qu’il soit gouvernant ou gouverné, n’est autorisé à abandonner un quelconque territoire musulman. Les terres du monde musulman ne sont la propriété d’aucun président, prince, ministre ou groupe d’individus. Nul ne peut les abandonner et ce, quelles que soient les circonstances.

Au contraire, il est un devoir individuel et collectif de s’efforcer de libérer les territoires occupés ou de récupérer les terres usurpées. La nation entière en est responsable ; gouvernants et gouvernés n’ont nullement le droit de renoncer à ces terres. Si une génération donnée sombre dans l’oisiveté ou vit dans l’incapacité d’en endosser la responsabilité, elle ne peut imposer son oisiveté ou son incapacité à toutes les générations futures, en cédant ce qu’elle n’a pas le droit d’abandonner. Ainsi avons-nous publié un avis juridique (fatwâ) stipulant qu’il est interdit à tous les réfugiés palestiniens d’accepter des dédommagements financiers en échange de leur terre perdue, même si ceux-ci devaient s’élever à des milliards de dollars. Les terres musulmanes ne sont pas à vendre ; elles ne doivent pas être abandonnées et aucun dédommagement ne peut compenser leur perte.

S’il en est ainsi pour une parcelle de terre quelconque dans un pays musulman, qu’en est-il alors lorsqu’il s’agit de la terre sainte de Jérusalem, la terre de la première direction de prière des Musulmans [1], là où se trouve la Mosquée Al-Aqsa et la troisième ville sainte de l’Islam, après La Mecque et Médine ? Cette terre était la le point d’arrivée du Voyage nocturne du Prophète et le point de départ de l’Ascension. Rien n’explique mieux son statut sacré que les mots de Dieu : "Gloire et Pureté à Celui qui de nuit, fit voyager Son Serviteur [Muhammad], de la Mosquée Sacrée à la Mosquée Al-Aqsâ dont Nous avons béni l’alentour, afin de lui faire voir certaines de Nos merveilles. C’est Lui, vraiment, qui est l’Audient, le Clairvoyant." (Sourate 17, le Voyage nocturne, Al-Isrâ ’, verset 1)

Jérusalem occupe ainsi une place spéciale dans le cœur de chaque Musulman. L’occupation de Jérusalem touche et peine chaque Musulman, en raison de l’amour et de l’attachement qu’il voue pour cette terre, et à cause de l’importance capitale qu’elle revêt à ses yeux. C’est principalement pour Jérusalem que la cause palestinienne se trouve en tête de la liste des priorités des Musulmans. Le cœur du Musulman est tourné vers Jérusalem : il désire la préserver et la défendre, et il est prêt à se battre pour elle. C’est pour Jérusalem qu’il sacrifie sa vie et tout ce qui lui est cher. Jérusalem est le symbole de la cause palestinienne. C’est le noyau et le cœur même du problème. Véridiques sont les mots du poète qui dit :

La Palestine n’a pas de signification sans Al-Aqsâ ou Jérusalem.
Sans Jérusalem, elle ressemble à un corps sans tête.

Jérusalem n’est pas la propriété des seuls Palestiniens : elle appartient à tous les Musulmans, qu’ils soient Arabes ou non. C’est aussi une ville pour tous les Arabes, qu’ils soient Musulmans ou Chrétiens. Cela incombe donc aux Musulmans d’endosser la responsabilité de défendre Jérusalem et la Mosquée Al-Aqsâ. C’est une obligation pour eux. Ils doivent conjointement la défendre, par leurs vies, par leurs biens et par tout ce qu’ils possèdent au monde. Dans le cas contraire, ils seront soumis au châtiment divin, car Dieu dit : "Ô vous qui croyez ! Qu’avez-vous ? Lorsque l’on vous a dit : ‹Elancez-vous dans le Sentier de Dieu›, vous vous êtes appesantis sur la terre. La vie présente vous agrée-t-elle plus que l’au-delà ? - Or, la jouissance de la vie présente ne sera que peu de chose, comparée à l’au-delà !" (Sourate 9, le Repentir, At-Tawbah, verset 38)

Au cours de mes voyages à travers le monde arabe, maintes fois, des jeunes Musulmans m’ont demandé, en versant de chaudes larmes : "Comment apaiser notre conscience et endosser la responsabilité de défendre Jérusalem ?".

Nous avons vu comment le monde arabe tout entier a été mis sans dessus dessous quand un fanatique juif a essayé d’incendier la Mosquée Al-Aqsâ en 1969. Les Musulmans se sont alors rendus visite de partout à travers le monde. Le premier sommet islamique a été tenu ; il a à son tour abouti sur la création de l’Organisation de la Conférence Islamique.

Quand les Croisés ont occupé Jérusalem autrefois, celle-ci a été libérée par des Musulmans qui n’étaient pas d’origine arabe, comme le Turc ʿImâd Ad-Dîn Zinkî et son fils le Martyr Nûr Ad-Dîn Mahmûd ainsi que son disciple, le Kurde Salâh Ad-Dîn Al-Ayyûbî (Saladin), qui a libéré Jérusalem de l’occupation chrétienne. Les Musulmans du monde entier sont prêts, comme ils l’ont toujours été, à faire tout leur possible pour défendre Jérusalem. C’est le cas pour toutes les nations que j’ai visitées, en commençant par les Philippines et l’Indonésie à l’extrême-orient jusqu’au Maroc à l’extrême-occident du monde musulman. Hélas, les dirigeants musulmans n’ont pas cette détermination.

Jérusalem est une partie inestimable de la Terre d’Islam. Pendant plus de 14 siècles, les Musulmans ont vécu sur cette terre. Ils ne l’ont pas usurpé aux Juifs qui avaient déjà cessé de vivre là-bas des centaines d’années auparavant. Le plus long règne des Juifs en Palestine a duré pendant plusieurs centaines d’années seulement, tandis que les Arabes et les autres y ont vécu pendant des milliers d’années. Le patriarche chrétien de Jérusalem l’a remis à ʿUmar Ibn Al-Khattâb. Parmi les conditions du pacte de ʿUmar il y avait celle qu’aucun Juif ne réside dans la ville.

La souveraineté de Jérusalem, en particulier celle de Jérusalem-Est, doit être musulmane, arabe et palestinienne. Cela n’empêche pas les Juifs ou les Chrétiens d’observer leurs rituels religieux avec la liberté totale et la tolérance pour lesquelles l’Islam est connu depuis de longs siècles. La légitimité internationale incarnée par les résolutions de Conseil de Sécurité affirme que Jérusalem fait partie des Terres Arabes Occupées depuis 1967.

Les preuves tirées de l’Histoire, la Religion et la Loi Internationale prouvent conjointement que Jérusalem appartient aux Palestiniens. La crise de Jérusalem doit être le sujet numéro un dans l’agenda du monde musulman. "Et Dieu est Souverain en Son Commandement : mais la plupart des gens ne savent pas." (Sourate 12, Joseph, Yûsuf, verset 21)

P.-S.

Traduit de l’anglais à partir de la Banque de Fatâwâ du site Islamonline.net. La version originale est consultable sur archive.org.

Notes

[1La Qiblah désigne la direction vers laquelle les orants se tournent pour accomplir la prière. La première Qiblah des Musulmans fut Jérusalem. La deuxième et dernière Qiblah est la Mecque.

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