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Sheikh Mahmoud Khattâb As-Subkî

dimanche 3 juillet 2005

Sheikh Mahmoud As-Subkî (1858 - 1933)

Juriste malékite, Sheikh Mahmoud Khattâb As-Subkî fut aussi une importante figure du soufisme et de la réforme sociale en Égypte, pendant la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe.

Jeunesse et Éducation

Campagne égyptienne

Au sein d’une famille modeste, Sheikh Mahmoud Mohammad Ahmad Khattâb As-Subkî naquit le 1er juillet 1858 dans le village de Subk Al-Ahad, affilié à Ashmûn dans la Province d’Al-Munûfiyyah, en Égypte. Aussi a-t-il grandi dans un environnement rural teinté d’ascèse, d’abstinence et de simplicité. Dans sa jeunesse, il exerça le métier de berger, puis dompta les chevaux, avant de gagner sa vie en tant qu’agriculteur. À cette époque, son cœur s’attacha à la retraite solitaire, à la prière nocturne et au jeune surérogatoire. Il fut souvent absorbé par la mention de Dieu et la récitation du Coran.

Âgé de plus de vingt ans, il souhaita approfondir son savoir. Il reçut son éducation soufie auprès de Sheikh Mohammad Jabal As-Subkî Al-Khalwatî, le Sheikh de la confrérie khalwatie. Il ne cessa de progresser par les œuvres de dévotion et d’ascèse, si bien qu’il devint plus tard le Sheikh de la confrérie khalwatie et se chargea de l’éducation de ses disciples. Par ailleurs, il fortifia son cheminement spirituel en étudiant à l’université islamique d’Al-Azhar dont il obtint le prestigieux diplôme d’Al-ʿÂlamiyyah. Puis, il y enseigna diverses disciplines islamiques telles que la jurisprudence, l’exégèse et le hadîth. Ce point culminant de sa vie illustre sa volonté d’allier savoir et action, jurisprudence et spiritualité.

L’arène de la prédication

Après vingt années passées à la prédication par la sagesse et la bonne exhortation, Sheikh Mahmoud As-Subkî fonda en 1912 une association au service de l’Islam, Al-Jamʿiyyah Ash-Sharʿiyyah. Cette association eut pour vocation la défense de l’Islam et la diffusion de ses enseignements. Sous l’influence de ses exhortations et de ses efforts sociaux, divers crimes, comme les meurtres, l’empoisonnement du bétail, et l’incendie des champs, devinrent rares alors qu’ils ravageaient certaines régions rurales en Égypte.

Les activités d’Al-Jamʿiyyah Ash-Sharʿiyyah s’articulèrent autour de différents axes, afin de couvrir, de façon pratique, le large spectre des enseignements islamiques et des besoins de la société.

Au plan de la prédication, il participa à la construction des mosquées et forma près de deux cents prédicateurs dès la fondation de son association. Ceux-ci portèrent le flambeau de l’appel à Dieu et transmirent les enseignements religieux dans diverses régions du pays.

Par ailleurs, il revivifia l’idée des écoles intégrées aux mosquées. Celles-ci proposèrent désormais des cours de soutien scolaire. Le but de ses écoles était de renforcer le lien entre la science et la religion.

Conscient du rôle fondamental que les femmes devaient jouer dans la société, il veilla à ce qu’elles bénéficient de cours spécifiques pour une audience féminine et à ce qu’elles disposent d’une salle de prière au sein des mosquées édifiées par l’association. Il monta des ateliers de travaux manuels, comme la couture, pour aider les femmes dans le besoin.

Son combat politique et idéologique

Si la subsistance du cœur était sa spécialité, il était aussi conscient de la nécessité d’agir sur le terrain au plus près des gens. Ainsi l’association instaura des cliniques et des structures médicales rattachées à diverses mosquées prodiguant leurs soins à titre gratuit.

En 1882, l’Égypte fut envahie par les forces britanniques et ses enfants durent se battre sans relâche pendant près de soixante-dix ans pour bouter le colonisateur dehors. Il était donc tout à fait naturel que les activités du prédicateur et du travailleur social qu’était Sheikh Mahmoud As-Subkî contrarient les intérêts du colonisateur et lui attirent ses foudres. Il eut en effet une présence notable sur la scène politique, bien que son association n’ait pas cette vocation à l’origine. Les activités de l’association fondée par le Sheikh, du fait qu’elles contribuaient à resserrer les liens entre les égyptiens et à renforcer la solidarité au sein de la société, avaient un impact éminemment politique. De plus, l’association qui comptait des adhérants par milliers prônait la différenciation d’avec l’ennemi sur tous les plans, éthique, vestimentaire et comportemental, ce qui en soit constitue une forme de résistance à l’envahisseur.

Au plan économique, il appela au boycott des produits fabriqués dans les pays colonisateurs et insista sur la nécessité de favoriser les industries et les produits nationaux. Pour donner l’exemple, l’association se lança dans la fabrication, la distribution et l’exportation de produits textiles égyptiens. Son activité se rétracta lorsque d’autres produits nationaux émergèrent sur le marché.

Le soupçonnant de connivence avec le centre du Califat Ottoman, le pouvoir britannique installé en Égypte fit surveiller ses prêches et son courrier pendant la première guerre mondiale. Ses cours furent suspendus et il fut emprisonné pendant trois mois en 1914 E.C. Il eut recours à la grève de la faim pour faire pression sur le pouvoir et obtenir le droit de visite de sa famille. Une fois libéré, on lui interdit de reprendre ses activités de prédication jusqu’à la fin de la première guerre mondiale en 1918 E.C. L’influence de son association était telle qu’un grand nombre de ses membres étaient partie prenant dans la révolution de 1919 E.C. et tombèrent en martyrs lors des affrontements avec les officiers britanniques.

Très tôt, il donna l’alerte contre les avancées du plan sioniste et formula des critiques acerbes contre le Royaume-Uni pour son rôle dans la colonisation de la Palestine. Il appela pour cette raison au boycott des produits britanniques et envoya une quantité importante de produits textiles pour venir en aide aux Palestiniens. Le 8 décembre 1930, le comité de direction de l’association recevait un courrier de remerciements de la part de Sheikh Muhammad Amîn Al-Husaynî, le Président du Conseil Supérieur de Législation Islamique en Palestine pour le soutien manifesté vis-à-vis du peuple palestinien. Dans les années 1940, l’association organisa diverses collectes de dons pour venir en aide au peuple palestinien. En 1948, après la déclaration de la création de l’état d’Israël, l’association prit part aux manifestations monstre qui investirent les rues de la capitale égyptienne.

Bibliographie

Au plan scientifique, Sheikh As-Subkî laissa à la postérité un patrimoine islamique riche, comptant une vingtaine d’ouvrages dans diverses branches des sciences islamiques, parmi lesquels on peut citer :

  1. Ad-Dîn Al-Khâlis,
    La religion pure ; il s’agit de son livre le plus célèbre en 9 volumes.
  2. Tuhfat Al-Absâr wa Al-Basâ’ir
  3. Al-Manhal Al-ʿAdhb Al-Mawrûd Sharh Sunan Al-Imâm Abî Dâwûd,
    Explication de Sunan Abî Dâwûd.
  4. As-Summ Al-Faʿʿâl fî Amʿâ’ Firaq Ad-Dalâl,
    Le poison fatal pour les sectes égarées.
  5. Fatâwâ fin-Nahy ʿan baʿd Al-Bidaʿ,
    Fatwas interdisant certaines innovations.
  6. Al-Maqâmât Al-ʿAliyyah fi An-Nash’ah Al-Fakhimah An-Nabawiyyah,
    Les rangs élevés dans la noble création prophétique.
  7. Ar-Riyâd Al-Qur’âniyyah,
    Les jardins coraniques.
  8. Risâlat Al-Basmalah,
    Épître de la Basmalah.
  9. Risâlat Mabâdi’ Al-ʿUlûm,
    Épître des fondements des sciences.

L’association aujourd’hui

Sheikh Mohammad Al-Mukhtâr Al-Mahdî

Sheikh Mahmoud veilla à former des générations de prédicateurs capables de prendre le relais. Son premier successeur fut son fils, Sheikh Amîn As-Subkî, puis diverses figures se relayèrent à la tête de l’association aujourd’hui présidée par Sheikh Mohammad Al-Mukhtâr Mohammad Al-Mahdî, professeur à l’université d’Al-Azhar.

Profondément enracinée dans le tissu social égyptien, l’association est présente à travers près de trois cent cinquante bureaux dans le pays. Ses deux pôles d’activité continuent à être la prédication et la gestion des projets caritatifs, loin de la sphère politique. L’association supervise environ six mille mosquées en Égypte et prend à sa charge des projets de soutien pour les orphelins et les handicapés, outre la gestion de nombreuses structures médicales. D’autres projets visent à participer aux frais de mariage des jeunes femmes ayant été orphelines dans leur enfance et ayant des ressources financières modestes.

Récemment, l’association prit connaissance de la présence de trois cent dix étudiants indonésiens venus étudier à Al-Azhar. Coupés de leurs moyens de subsistance à cause de la catastrophe du Tsunami, l’association couvre aujourd’hui toutes leurs dépenses. Dans une interview récente [1],

Sheikh Mohammad Al-Mukhtâr Al-Mahdî évoque un pacte de fraternité signé avec l’association de la prédication islamique au Soudan. À travers cet accord, l’association a envoyé une série d’aides médicales et une équipe de dix médecins au Darfour. Les besoins en eau douce et en infrastructures scolaires dans la région du Darfour sont à l’étude.

Retour à Dieu

Au terme d’une vie tournée vers l’éducation sprituelle et la réforme sociale, l’Imâm Mahmoud Khattâb As-Subkî décéda le 7 juillet 1933 E.C. Que Dieu lui fasse miséricorde.

P.-S.

Sources en arabe Islamonline.net (1|2) et l’encyclopédie des noms propres intitulée Al-Aʿlâm d’Az-Zarkalî.

Notes

[1Interview disponible sur le site almoslim.net.

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