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Le principe d’al-walâ’ wal-barâ’ et la fraternité avec les non-musulmans

vendredi 18 novembre 2005

Question

Votre éminence, certaines personnes conservatrices trouvent à redire dans le comportement des Frères Musulmans vis-à-vis des Coptes, allant même jusqu’à émettre des doutes sur l’intégrité de leur credo, estimant que leur comportement (amical) contredit le principe d’al-walâ’ wal-barâ’ (l’alliance et le désaveu). Merci de bien vouloir donner votre avis sur cette question. Que Dieu vous en rétribue.

Réponse de Sheikh Yûsuf Al-Qaradâwî

Les Frères Musulmans font partie des gens les plus attachés au principe d’al-walâ’ wal-barâ’. Ils sont en effet les alliés de toute personne s’alliant à Allâh, à Son Messager et à la Communauté des Croyants, conformément à la Parole du Très-Haut : « Vous n’avez d’autres alliés qu’Allâh, Son Messager, et les croyants qui accomplissent la prière, s’acquittent de la zakât, et s’inclinent (devant Allâh). § Et quiconque prend pour alliés Allâh, Son Messager et les croyants, (réussira) car c’est le parti d’Allâh qui sera victorieux. » [1] De même, ils sont hostiles à toute personne hostile à Allâh, à Son Messager et aux Croyants : « Ô vous qui avez cru ! Ne prenez pas pour alliés Mon ennemi et le vôtre » [2]

Hasan Al-Bannâ insiste sur ce point dans ses épîtres car les liens les plus forts tissés par la foi sont l’amour en Allâh et la haine en Allâh. La foi est-elle autre chose qu’une affaire d’amour et de haine ? Dans l’épître des enseignements, dans la section dédiée au détachement, il dit : « J’entends par détachement (tajarrud) le fait que tu te détaches, pour ton idée, des autres principes et des personnes, car c’est la plus noble, la plus globale et la plus élevée de toutes les idées. « Nous suivons la religion d’Allâh ! Et qui donc aurait meilleure religion qu’Allâh ? » [3] « Certes, vous avez eu un bel exemple en Abraham et en ceux qui étaient avec lui, quand ils dirent à leur peuple : "Nous vous désavouons, vous et ce que vous adorez en dehors d’Allâh. Nous vous renions. Entre vous et nous, l’inimitié et la haine sont à jamais déclarées jusqu’à ce que vous croyiez en Allâh, seul". » [4] Aux yeux du frère sincère, les gens appartiennent à l’une des six catégories suivantes : les musulmans qui luttent, les musulmans passifs, les musulmans pécheurs, les dhimmis liés par un pacte, les non-musulmans pacifistes, et les non-musulmans belliqueux. Chacune de ces catégories a un statut spécifique au regard de l’islam. Dans les limites de ces catégories, on jauge les individus et les institutions, et on offre l’alliance ou le désaveu. » Fin de citation. [5] Il me semble qu’aucun savant, ni aucune personne éprise de justice, ne peut accuser l’auteur de ces propos de méconnaître le principe de l’alliance et du désaveu, l’alliance et le désaveu en Allâh. Au contraire, cet homme a éduqué une génération qui aime en Allâh, hait en Allâh, s’allie en Allâh et est hostile en Allâh.

Les Frères Musulmans ont été le pire cauchemar des colonisateurs et des sionistes qui ont occupé la demeure de l’islam et leur ont résisté. Comment, après cela, peut-on les accuser de s’allier avec eux ?

Toutefois, les Frères font la différence entre ces ennemis et leur concitoyens, qui vivent avec eux dans la demeure de l’islam, et qui sont d’ailleurs les premiers habitants de ce pays. L’islam y est arrivé alors qu’ils y vivaient, et s’est engagé pour leur sécurité, leur garantissant la possibilité de vivre avec les musulmans et sous leur pouvoir, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, exception faite de quelque particularisme religieux. Ces gens-là, Allâh — Exalté soit-Il — ne nous a pas défendu d’être bienfaisants et équitables à leur égard, comme en témoigne le verset : « Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allâh aime les gens équitables. » [6]

Ces gens méritent la bienfaisance et l’équité, c’est-à-dire la justice, sachant que la bienfaisance est supérieure à la justice. L’équité consiste à leur donner leurs droits, alors que la bienfaisance consiste à leur donner davantage. L’équité consiste à exiger qu’ils s’acquittent de ce qu’ils te doivent, tandis que la bienfaisance consiste à leur céder de bon gré une partie de ce qu’ils te doivent.

Ces gens, dès lors qu’ils sont tes concitoyens, tu peux dire qu’ils sont tes frères, car ils sont les enfants de ta patrie, tout comme tous les musulmans sont tes frères, la fraternité étant cette fois religieuse. Les jurisconsultes considèrent que les dhimmis « font partie des gens de la demeure », c’est-à-dire la demeure de l’islam. La fraternité n’est pas uniquement religieuse, à l’image des liens qui unissent les Croyants entre eux et qui est mise en exergue par le verset : « Les croyants ne sont que des frères. » [7] La fraternité peut également être nationale, clanique et humaine.

Dans les récits relatant les rapports entre les Prophètes et leurs peuples qui ont mécru en eux, le Coran dit : « Le peuple de Noé traita de menteurs les Messagers, § lorsque leur frère, Noé, leur dit : "Ne craindriez-vous pas (Allâh) ?" » [8] ; « Les ʿÂd traitèrent de menteurs les Envoyés. § Et quand leur frère, Hûd, leur dit : "Ne craindriez-vous pas (Allâh) ?" » [9] ; « Les Thamûd traitèrent de menteurs les Messagers. § Quand leur frère, Sâlih, leur dit : "Ne craindriez-vous pas (Allâh) ?" » [10] ; « Le peuple de Loth traita de menteurs les Messagers, § quand leur frère, Loth, leur dit : "Ne craindriez-vous pas (Allâh) ? » [11].

Comment se fait-il qu’Allâh affirme la fraternité liant ces Prophètes avec leurs clans alors que ces derniers les traitaient de menteurs et mécroyaient en eux ? Simplement, parce qu’ils étaient issus de ces peuples. Ils étaient leurs frères de ce point de vue, une fraternité clanique. C’est pour cette raison que, dans la même sourate, il dit à propos de Shuʿayb (Jethro) : « Les gens d’Al-Aykah traitèrent de menteurs les Messagers. § Lorsque Shuʿayb leur dit : "Ne craindriez-vous pas (Allâh)". » [12] car Shuʿayb n’était pas issu de ce peuple. Il était issu de Madian. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle Il dit dans une autre sourate : « Et aux Madyan, (Nous envoyâmes) leur frère Shuʿayb ».

Dès lors que le Coran établit une fraternité clanique entre les Messagers et leurs clans, il n’y a aucun mal à établir une fraternité nationale entre les musulmans et leurs concitoyens Copte en Égypte, et aussi vis-à-vis de toutes les populations non musulmanes vivant dans les autres pays musulmans.

Cela n’est nullement une raison permettant de douter de l’intégrité du credo des Frères Musulmans, ni de dire qu’ils ignorent le principe d’al-walâ’ wal-barâ’. Au contraire, cela montre bien combien les Frères sont instruits religieusement, et que leur compréhension des choses d’Allâh et de Son Messager surpasse celle des autres.

P.-S.

Traduit de l’arabe du site islamonline.net.

Notes

[1Sourate 5, Al-Mâ’idah, La table servie, versets 55 et 56.

[2Sourate 60, Al-Mumtahanah, L’éprouvée, verset 1.

[3Sourate 2, Al-Baqarah, La génisse, verset 138.

[4Sourate 60, Al-Mumtahanah, L’éprouvée, verset 4.

[5Épître des enseignements, Collection des épîtres, page 363.

[6Sourate 60, Al-Mumtahanah, L’éprouvée, verset 8.

[7Sourate 49, Al-Hujurât, Les appartements, verset 10.

[8Sourate 26, Ash-Shuʿarâ’, Les poètes, versets 105 et 106.

[9Sourate 26, Ash-Shuʿarâ’, Les poètes, versets 123 et 124.

[10Sourate 26, Ash-Shuʿarâ’, Les poètes, versets 141 et 142.

[11Sourate 26, Ash-Shuʿarâ’, Les poètes, versets 160 et 161.

[12Sourate 26, Ash-Shuʿarâ’, Les poètes, versets 176 et 177.

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