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Les Israélismes et les récits controuvés dans les livres d’exégèse
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Section : L’exégèse interprétative

Les arguments de ceux qui interdisent l’exégèse par l’opinion et par l’ijtihâd

dimanche 6 mai 2001

Les arguments de ceux qui interdisent l’exégèse par l’opinion et par l’ijtihâd

  1. On narre que le Prophète - que les salutations de Dieu et Ses bénédictions soient sur lui - dit : "Celui qui dit au sujet du Coran une parole basée sur son opinion et voit juste se trompe", narré par Abû Dâwûd, At-Tirmidhî qui le jugea gharîb (singulier) et An-Nasâ’î.
  2. On narre également que le Prophète - que les salutations de Dieu et Ses bénédictions soient sur lui - dit : "Evitez absolument de m’attribuer une parole sauf ce dont vous avez la certitude car celui qui ment à mon compte a mérité sa place en Enfer et celui qui dit au sujet du Coran une parole basée sur son opinion a mérité sa place en Enfer", narré par At-Tirmidhî et Abû Dâwûd.
  3. On narre que le pieux salaf, les Compagnons et les générations qui les suivirent, s’interdisait de hasarder une parole sur l’interprétation du Coran. Ainsi, Abû Malîkah dit-il : On demanda à Abû Bakr As-Siddîq - qu’Allâh l’agrée - l’interprétation d’une phrase du Coran. Il dit "Quel ciel pourrait m’abriter et quele terre pourrait me loger et où pourrais-je aller et comment ferais-je, si j’interprétais un mot du Livre de Dieu autrement que ce que Dieu entendait ?!" et, dans une autre variante, : "si j’interprétais le Livre de Dieu sans connaissance ?!"

    De même, on narre que quand on interrogeait Saʿîd Ibn Al-Musayyib sur l’interprétation d’un verset du Coran, il disait : "Je ne dis rien sur le Coran". Quand on l’interrogeait sur le licite et l’illicite, il répondait et quand on l’interrogeait sur l’interprétation d’un verset du Coran, il se taisait comme s’il n’avait rien entendu.

    On narre également d’après Ash-Shaʿbî qu’il dit : "Je ne m’exprimerai point sur trois choses jusqu’à ma mort : le Coran, l’âme, et les songes (ar-ru’â) [1]". On relate aussi que Muhammad Ibn Sîrîn dit : J’interrogeai ʿUbaydah [2] sur un verset du Coran, il me répondit : "Ceux qui connaissaient les circonstances de révélation du Coran ne sont plus, alors crains Dieu et sois juste" [3].

    On narre que Masrûq dit : "Evitez le tafsîr car cela revient à narrer de la part de Dieu" et d’autres narrations similaires [4].

Discussion de ces arguments

Ceux qui autorisèrent l’exégèse par l’opinion et l’ijtihâd discutèrent ces argument comme suit :

  1. Concernant le premier hadîth : il laisse à désirer sur le plan de son authenticité car l’un de ses transmetteurs, Suhayl Ibn Abî Hazm Al-Qatîʿî fut récusé. Et supposer que le hadîth soit authentique, les savants le commentèrent disant que :

    a) Il s’agit de celui qui interprètent le Coran selon son opinion et sa passion uniquement faisant passer l’opinion au premier plan et le Coran au second plan. En d’autres termes, celui qui a une opinion préalablement arrêtée sur un sujet et qu’il y penche par nature ou par passion, ce qui le porte à interpréter le Coran selon son opinion et sa passion pour s’en servir afin de légitimer une fin. Si ce n’était pour cette opinion préalable et cette passion, il n’aurait pas suspecté ce sens dans le Coran. Ce genre de personne ne trouve la vérité que par pure coincidence et il se peut qu’il ait quelque savoir et ce comme ceux qui utilisent certains versets du Coran pour justifier leur innovation comme les muʿtazilah, les shiites, les khawârij et leurs semblables. Il se peut aussi que ce soit avec une part d’ignorance comme font certains prétendants au savoir aujourd’hui osant s’attaquer à l’exégèse du Livre de Dieu par la passion et le goût personnel (istihsân) et sortant la Parole de Sa place et sortant le Coran de sa voie claire et droite.

    b) Les deux hadîths visent celui qui interprète le mutashâbih (l’ambigu) qui n’est connu que d’Allâh Exalté soit-Il,

    c) ou celui qui interprète le Coran sans posséder le bagage linguistique et juridique le qualifiant pour cette tâche et que s’il lui arrive de trouver la vérité, il se trompe de voie pour y parvenir. [5]

  2. Pour ce qui est des traditions décrivant les pieux prédécesseurs, Compagnons et Successeurs, on peut leur opposer des traditions qui les contredisent. Ainsi narre-t-on d’après (Abû Bakr) As-Siddîq qu’on l’interrogea au sujet d’al-kalâlah, il répondit : "Je donne mon opinion, si elle est juste c’est grâce à Dieu et si elle est erronnée c’est à cause de moi et du diable ; Dieu et Son Prophète en sont innocents. Al-Kalâlah désigne celui qui est sans enfants ni parents." Quand Al-Fârûq, ʿUmar - qu’Allâh l’agrée - devint caliphe, il dit : "Je serais gêné de contredire Abû Bakr dans l’une de ses opinions.", narré par Ibn Jarîr et d’autres. [6] Ceci indique que par "Quel ciel m’abriterait...", il entendait les propos non corroborés par des preuves et dits sans connaissance ou encore par crainte de ne pas trouver ce qui était voulu par Dieu. De la même façon, on comprend les narrations rapportées sur certains prédécesseurs à ce sujet.

    L’Imâm, Al-Hâfidh, Ibn Kathîr dit dans son exégèse : "Ces traditions authentiques et similaires venant des grandes figures du salaf traduisent leur gêne de hasarder en matière de tafsîr ce dont ils n’avaient pas une connaissance [certaine]. Mais nulle rigueur ne peut être tenue à celui qui s’exprime en se basant sur des connaissance linguistiques et juridiques" [7]. Cela explique qu’on transmit de leur part et de la part d’autres gens des dires en matière de tafsîr. Il n’y a là aucune contradiction car ils s’exprimaient sur ce qu’ils connaissaient et se taisaient sur ce qu’ils ignoraient et c’est ainsi que chacun devrait se conduire : se taire à propos de ce que l’on ignore. De même, on doit dire ce que l’on sait quand on est interrogé car Allâh dit : "Explicitez- le aux gens et ne le cachez point" [8] et en vertu du hadîth transmis par de multiples voies : "Celui qui, interrogé sur une science, la tait se verra poser une muselière de feu le jour de la Résurrection", narré par At-Tirmidhî.

    Par ailleurs, on narra de la part de nombreux Compagnons - qu’Allâh les agrée - des propos en matière d’exégèse du Coran tels que les distingués ʿAlî, Ibn Masʿûd, Ibn ʿAbbâs, Ubayy Ibn Kaʿb, ʿAbdullâh Ibn ʿAmr Ibn Al-ʿâs, Anas, Abû Hurayrah et d’autres. Si l’interprétation du Coran n’était pas permise pour ceux qui y sont aptes, ils ne l’auraient pas fait car ils étaient les plus pieux qui soient et les plus respectueux des limites fixées par Dieu. De même, on transmit l’exégèse du Coran de nombreux nobles Successeurs tels que Saʿîd Ibn Jubayr, Mujâhid Ibn Jabr, ʿIkrimah, Qatâdah, Al-Hasan Al-Basrî, Masrûq, Ash-Shaʿbî et d’autres, ce qui montre que ceux qui s’abstinrent d’interpréter le Coran le firent par excès de prudence et de piété. Il se peut aussi que leur but - qu’Allâh les agrée - était d’inciter à une certaine prudence et retenue ceux qui souhaitent interpréter la Parole d’Allâh, puis à un supplément de prudence avant de s’exprimer, que ceux qui s’y attèlent préfèrent la réserve et aussi pour donner l’exemple aux générations suivantes.

    Pourvu que cette attitude qui fut la leur malgré leur rang et leur connaissance du Coran soit un bon rappel pour ceux qui dépassent les limites et s’attaquent à l’interprétation du Coran sans connaissance, et s’en prennent avec insolence à ceux qui leur montrent la vérité et la méthodologie correcte.

P.-S.

Traduit de l’arabe de l’ouvrage de Sheikh Mohammad Abû Shahbah intitulé Al-Isrâ’îliyyât wal-mawdûʿât fî Kutub At-Tafsîr ("Les Israélismes et les récits controuvés dans les ouvrages d’exégèse"), aux éditions Maktabat As-Sunnah, 4ème édition, pp. 78-81, Le Caire, Égypte, 1988.

Notes

[1i.e. l’interprétation des rêves et dans une autre variante il dit : la vision (ar-ra’y)/ l’opinion.

[2i.e. ʿUbaydah As-Salmânî, un noble Successeur.

[3c’est-à-dire "ne te hasarde pas dans l’interprétation du Coran".

[4Tafsîr Al-Qurtubî, Volume 1, p. 34, Tafsîr Ibn Kathîr et Al-Baghawî, Volume 1, pp. 12-14.

[5Tafsîr Ibn Kathîr et Al-Baghawî, Volume 1, pp. 12.

[6Al-Itqân, Volume 2, pp. 179-183.

[7Tafsîr Ibn Kathîr et Al-Baghawî, Volume 2, pp. 370-371.

[8Sourate 3, Âl ʿImrân, verset 187.

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