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Défense du dogme et de la loi de l’Islam contre les atteintes des orientalistes
Section : Muhammad, Messager de Dieu

Pas de différence entre l’Islam de la Mecque et celui de Médine

dimanche 23 février 2003

Nous nous gaussons bien des orientalistes — et en premier lieu de Goldziher — lorsqu’ils estiment que Muhammad a tiré ses connaissances du divin et ses principes législatifs d’un prêtre ou d’un devin.

Cette opinion revient — à notre avis — à accuser Ahmad Shawqî d’avoir volé ses idées à Bayram At-Tûnisî ou à Salâh Jâhîn [1] qui écrivaient en égyptien dialectal les paroles de ces chansons frivoles que certaines personnes apprécient.

Les princes de la poésie ne volent pas leurs idées à des poètes populaires. Et si Muhammad, qui a présenté au monde la foi et la loi les plus pures qui soient, dans un style des plus distingués et avec des preuves des plus convaincantes, avait apporté cette religion de sa part à lui et non de la part de Dieu, cela signifierait que les hommes sont plus aptes que le Seigneur des hommes à fabriquer des religions. Sinon, comment comprendre que le Coran soit œuvre humaine si les Ancien et Nouveau Testaments sont œuvre divine ? !

Par ailleurs, comment les orientalistes résolvent-ils les contradictions inhérentes à leur discours, eux dont l’attention n’est attirée que par le fait que le Seigneur des Musulmans est un Etre impitoyable, désirant avoir des adorateurs humiliés ? !

Est-ce là le défaut qu’ils ont relevé dans le dogme de l’Unité, et auquel échappe le dogme de la Trinité ? ! Est-ce là le défaut qu’ils ont relevé dans le principe stipulant que « l’homme n’obtient que le fruit de ses efforts » et qu’ils n’ont pas relevé dans le principe du : « Pèche, confesse-toi devant le curé et sois assuré que le sang du Christ te garantit le pardon » ? !

Ils inventent une paille dans l’œil d’autrui, la grossissent, et ne voient pas la poutre qui les aveugle !

Parmi ces prétentions, il y a aussi ce jugement selon lequel la prédication islamique ne prêche pas d’idées neuves (page 3).

Ou encore que : Les révélations que Muhammed avait divulguées sur le sol mekkois n’annonçaient pas encore une nouvelle religion. On cultivait en petit comité des dispositions religieuses, et l’on nourrissait, d’une façon encore très vague, une conception théocratique du monde [...]. (page 7)

Et enfin que : C’est seulement à Médine que l’Islâm prend le caractère d’une institution [...]. (page 7)

Ce discours est une ignorance et une confusion, car les gens de la Mecque, qui connaissaient très bien le Christianisme, dirent lorsqu’ils entendirent la prédication de l’Islam : « Nous n’avons pas entendu cela dans la dernière religion. » [2]

Autrement dit, ce qui leur a frappé les oreilles était inédit, inconnu des religions idolâtres et scripturaires falsifiées, ce qui est vrai.

Le monothéisme absolu, récusant toute filiation à Dieu, refusant toute égalité entre Dieu et une créature, était en effet une chose nouvelle et originale qui fit prononcer aux langues cet étonnement : « ‹Réduira-t-il les divinités à un Seul Dieu ? Voilà une chose vraiment étonnante›. Et leurs notables partirent en disant : ‹Allez-vous en, et restez constants à vos dieux : c’est là vraiment une chose souhaitable.› » [3]

Est-ce donc à dire que la prédication islamique ne prêchait pas d’idées neuves ? ! Si le Coran, révélé à la Mecque, n’était pas une nouvelle religion, que serait-il alors ? !

La révélation mecquoise a réuni toutes les bonnes manières, toutes les recommandations, tous les hauts principes moraux répartis dans les Ancien et Nouveau Testaments. Elle a rajouté à tout cela de nouvelles bonnes manières, de nouvelles recommandations, de nouveaux principes moraux dont le monde a eu besoin pour parfaire sa nature originelle et préserver son existence, tout cela sans compter les dogmes qu’elle a rectifiés et les lois qu’elle a prescrites et qui étaient inconnues des anciennes religions.

Comment donc le Coran mecquois peut-il être considéré comme des dispositions religieuses et non comme une nouvelle religion ? !

La sourate 6, les Bestiaux, ou la sourate 17, le Voyage nocturne, à elles seules — alors qu’elles sont des sourates mecquoises — contiennent, en terme de vérités religieuses, ce qui surpasse et de loin tous les Evangiles réunis.

Si l’Islam, à la Mecque, n’est pas une religion, alors ni le Judaïsme ni le Christianisme ne sont des religions.

L’Islam de la Mecque est l’Islam de Médine.

Sourate 37, les Rangés : « Votre Dieu est en vérité Unique. » [4]

Sourate 2, la Vache : « Et votre Dieu est un Dieu Unique. » [5]

La première sourate est mecquoise, la seconde médinoise.

Sourate 10, Jonas :

« En vérité, dans l’alternance de la nuit et du jour, et aussi dans tout ce que Dieu a créé dans les cieux et la terre, il y a des signes, certes, pour des gens qui craignent Dieu. » [6]

Sourate 3, la Famille d’Amram :

« En vérité, dans la création des cieux et de la terre, et dans l’alternance de la nuit et du jour, il y a certes des signes pour les doués d’intelligence. » [7]

La première sourate est mecquoise, la seconde médinoise.

Sourate 31, Luqmân : « Voici les versets du Livre plein de sagesse. C’est un guide et une miséricorde aux bienfaisants, qui accomplissent la prière, qui s’acquittent de l’aumône purificatrice et qui croient avec certitude en l’au-delà. » [8]

Sourate 2, la Vache : « C’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute. C’est un guide pour les pieux qui croient à l’Invisible, qui accomplissent la prière et qui dépensent en charité de ce que Nous leur avons attribué. » [9]

La première sourate est mecquoise, la seconde médinoise.

Les significations et les objectifs sont les mêmes entre la Mecque et Médine, car tous viennent de la part de Dieu. Le Dieu qui a fait descendre le Coran ici et là est Un. Et l’homme qui l’a reçu dans les deux cités est le même.

Les fondements posés lors de la première période allaient servir de support pour les révélations de la seconde période. Les différents versets s’entérinaient les uns les autres, préparaient la voie les uns aux autres et se rejoignaient les uns les autres.

Aucun dogme, aucune valeur morale, aucun licite, aucun illicite, n’ont été posés à la Mecque pour ensuite être abrogés à Médine.

Même le Jihâd a commencé à la Mecque par une guerre des mots, par une lutte de principes, par des menaces constamment répétées par la révélation mecquoise, comme par exemple : « Mais non ! S’il ne cesse pas, Nous le saisirons certes, par le toupet, le toupet d’un menteur, d’un pécheur. » [10]

Ou encore : « Et laisse-Moi avec ceux qui crient au mensonge et qui vivent dans l’aisance ; et accorde-leur un court répit. » [11]

Ou encore : « Ils se servent d’une ruse, et Moi aussi Je me sers de Ma Ruse. Accorde donc un délai aux infidèles : accorde-leur un court délai. » [12]

Cette guerre a ensuite évolué pour devenir une injustice des puissants idolâtres qui spoliaient les biens des Musulmans, les privaient de leur liberté et violaient leur sang et leur honneur. Avec l’Hégire, la guerre est entrée dans une nouvelle étape, après que les Musulmans ont pu constitué une armée capable de rendre à chaque gifle sa pareille.

Où est donc la différence entre l’Islam de la Mecque et celui de Médine comme le prétend cet esprit malade ? Écoutons-le donc dire :

« La période médinoise apporte un changement essentiel jusque dans l’idée que se fait Muhammed de son propre caractère. A la Mekke, il se sentait un prophète, continuant par sa mission la ligne des envoyés bibliques, destiné comme eux à avertir ses semblables et à les sauver de leur perdition. A Médine, les circonstances extérieures étant changées, ses desseins prennent aussi une autre direction. Dans ce milieu différent de celui de la Mekke, d’autres aspects de sa vocation prophétique passent au premier plan. » (page 8)

Un changement essentiel dans les desseins de la prophétie, dû à un changement de l’environnement ? ! Ma foi, c’est là l’inanité personnifiée.

L’Islam a fini d’être construit à Médine après que ses assises ont été posées et après que ses traits de caractère ont été identifiés à la Mecque, comme nous l’avons vu. Aucun dessein ni aucune direction n’ont été modifiés.

Examinons l’argument avancé par notre homme pour justifier ses propos.

Il dit au sujet du Messager, après que celui-ci a rejoint Médine :

« Il veut désormais être le restaurateur de la religion d’Abraham, corrompue et altérée. Sa prédication est entremêlée de traditions relatives à Abraham [...]. » (page 8)

Autrement dit, lors de la période médinoise, le Messager a commencé à parler de la religion d’Abraham et à revivifier ses traditions.

A la Mecque en revanche, il n’y avait rien de tout cela.

Cela est un mensonge, car le Coran mecquois contient les versets suivants :

« Il vous a légiféré en matière de religion, ce qu’Il avait enjoint à Noé, ce que Nous t’avons révélé, ainsi que ce que Nous avons enjoint à Abraham, à Moïse et à Jésus : ‹Établissez la religion, et n’en faites pas un sujet de division›. » [13]

Et aussi : « Il ne t’est dit que ce qui a été dit aux Messagers avant toi. » [14]

Et aussi, à propos du Coran lui-même : « Et ceci était déjà mentionné dans les Ecrits des anciens. » [15]

Quelle différence entre le Coran mecquois et le verset suivant : « Dites : ‹Nous croyons en Dieu et en ce qu’on nous a révélé, et en ce qu’on a fait descendre vers Abraham et Ismaël et Isaac et Jacob et les Tribus, et en ce qui a été donné à Moïse et à Jésus, et en ce qui a été donné aux prophètes, venant de leur Seigneur : nous ne faisons aucune distinction entre eux.› » [16]

Et ce verset est médinois.

Goldziher dit au sujet de la fonction du Messager à Médine :

« Il veut donc rétablir le dîn du Dieu unique selon Abraham, de même que, d’une façon générale, il est venu pour confirmer (musaddiq) ce que Dieu avait révélé antérieurement. »

Le Messager aurait-il fait autre chose à la Mecque ?

Muhammad récitait, à la Mecque, les versets suivants de la sourate 87, le Très Haut :

« Réussit, certes, celui qui se purifie, et se rappelle le nom de son Seigneur, puis accomplit la prière. Mais, vous préférez plutôt la vie présente, alors que l’au-delà est meilleur et plus durable. Ceci se trouve, certes, dans les Parchemins anciens, les Parchemins d’Abraham et de Moïse. » [17]

Un orientaliste vient ensuite à la fin des temps nous dire que Muhammad n’a prêché la religion d’Abraham qu’à Médine après avoir modifié ses positions adoptées à la Mecque ! !

Cet orientaliste prétend en outre avec la même stupidité que Muhammad a mentionné — par une suggestion des gens du Livre convertis à sa religion — que la Thora et l’Evangile sont falsifiés. Ainsi donc, c’est la suggestion des gens du Livre qui le flagornaient qui est la cause de l’accusation de ces Livres.

Quant à la divergence essentielle entre les fondements du dogme, la prolixité du Coran dans l’affirmation de l’Unicité absolue, la réhabilitation des Prophètes par rapport à ce qui leur a été attribué, contrairement à ce que rapportent l’Ancien et le Nouveau Testaments à leur sujet, tout cela n’implique nullement que les Livres antérieurs utilisés par leurs adeptes sont falsifiés !

Comme si Muhammad aurait accepté le contenu de ces Livres, si les Juifs et les Chrétiens convertis ne l’avaient pas exhorté à les dénoncer... !

Voilà une bien étrange inanité.

P.-S.

Traduit de l’arabe aux éditions Nahdat Misr, cinquième édition, 1988.

Notes

[1Ahmad Shawqî, couramment qualifié de Prince des Poètes est l’un des plus grands poètes arabes musulmans du siècle dernier. Bayram At-Tûnisî et Salâh Jâhîn écrivaient des paroles de chansons. NdT

[2Sourate 38 intitulée Sâd, verset 7.

[3Sourate 38 intitulée Sâd, versets 5 et 6.

[4Sourate 37 intitulée les Rangés, As-Sâffât, verset 4.

[5Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 163.

[6Sourate 10 intitulée Jonas, Yûnus, verset 6.

[7Sourate 3 intitulée la Famille d’Amram, Âl `Imrân, verset 190.

[8Sourate 31 intitulée Luqmân, versets 2 à 4.

[9Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, versets 2 et 3.

[10Sourate 96 intitulée l’Adhérence, Al-`Alaq, versets 15 et 16.

[11Sourate 73 intitulée l’Enveloppé, Al-Muzzammil, verset 11.

[12Sourate 86 intitulée l’Astre nocturne, At-Târiq, versets 15 à 17.

[13Sourate 42 intitulée la Consultation, Ash-Shûrâ, verset 13.

[14Sourate 41 intitulée Fussilat, verset 43.

[15Sourate 26 intitulée les Poètes, Ash-Shu`arâ’, verset 196.

[16Sourate 2 intitulée la Vache, Al-Baqarah, verset 136.

[17Sourate 87 intitulée le Très Haut, Al-A`lâ, versets 14 à 19.

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